Après l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi, la tension demeure vive en Tunisie. Le processus de transition démocratique que les islamistes d'Ennahda veulent détourner à leur profit est grandement menacé. Après les obsèques de Mohamed Brahmi, des manifestations et des sit-in pour dénoncer le gouvernement islamiste ont eu lieu. Des violences ont été par contre enregistrées comme à Sidi Bouzid, lieu de naissance de l'opposant assassiné, où la police a dû faire usage de gaz lacrymogènes contre des centaines de manifestants. «Des centaines de manifestants ont enflammé des pneus pour bloquer les rues et ils jettent des pierres contre la police. Il y a beaucoup de colère et de frustration», a déclaré Mahdi Al Horchani, un habitant de Sidi Bouzid cité par Reuters. Certaines manifestations se poursuivent toujours, comme le sit-in des députés de l'ANC «ouvert jusqu'à la chute du gouvernement». Hier, le ministre de l'Intérieur a reçu le député Khemaïs Ksila qui était accompagné de Samir Bettaieb, porte-parole du sit-in à l'ANC. Selon le site tunisien webdoo, il affirme que les députés sont déterminés à poursuivre leur sit-in, «le ministre a indiqué qu'il a donné, formellement, des instructions aux forces de sécurité de ne pas avoir recours à la force publique, de faire preuve de retenue et de protéger les manifestants». Pour le député Khemaïs Ksila, la violence des policiers sur les «sit-inneurs» a eu lieu vers 3h du matin, lorsque certains députés ont quitté les lieux. «Cette agression a été justifiée par les jets de pierres venant de membres de ligues de protection de la révolution», a-t-il expliqué. Il a précisé que «suite à cet incident, la police a lancé des bombes lacrymogènes en leur direction, ce qui les a obligés à battre en retraite». Ce climat de tension a abouti notamment à la démission du ministre de l'Education, Salem Labyadh, connu pour son parcours militant au sein de la mouvance nationaliste arabe (tendance nassérienne) et ayant des attaches amicales très étroites avec le martyr Mohamed Brahmi. De son côté, la «troika tunisienne» au gouvernement envisage sérieusement plusieurs scénarii, allant du remaniement ministériel à l'urgence d'un gouvernement d'union nationale. Selon les sources de Webdoo, tout serait négociable pour les partis au pouvoir, «sauf la dissolution de l'ANC qu'ils tiennent à éviter à tout prix». La décision finale de la troïka devrait être logiquement prise au siège d'Ennahda, parti dominant qui envisagerait une application plus stricte de l'état d'urgence qui a été récemment prolongé. Le chef du gouvernement Ali Laarayedh devrait prononcer en ce sens une allocution très attendue pour situer la position de la troïka quant aux événements en cours. Par ailleurs, à Carthage, le président Moncef Marzouki tient une réunion d'urgence avec le Conseil supérieur des armées. Ceci pour certainement parer à toute éventualité de dérapage, surtout que Hichem Laarayedh, membre du madjliss echoura d'Ennahda et fils du chef du gouvernement Ali Laarayedh a carrément traité les manifestants présents devant l'ANC de «pactiser avec le diable contre la patrie dans une soirée arrosée d'alcool». En d'autres termes, il considère les manifestants (députés) comme des alcooliques venus défier la légitimité en ce mois de Ramadhan.