Les émissaires internationaux se relayent au Caire pour tenter de sortir le pays de l'impasse politique, faisant la navette entre les nouvelles autorités installées par l'armée et les partisans du président islamiste destitué Mohamed Morsi. Mardi, les influents sénateurs américains Lindsey Graham et John McCain sont ainsi attendus pour des entretiens dans la capitale égyptienne, après la visite du secrétaire d'Etat américain adjoint William Burns et de représentants de l'Union européenne et des Emirats. Arrivé au Caire il y a quelques jours, M. Burns a eu des entretiens avec le nouvel homme fort du pays, le commandant de l'armée Abdel Fattah al-Sissi, et il a rencontré dimanche soir l'adjoint du Guide suprême des Frères musulmans -- dont est issu M. Morsi--, Khairat al-Chater, actuellement incarcéré, a confirmé lundi le département d'Etat à Washington. "Cette visite, dimanche soir, de M. Burns, en compagnie du représentant de l'Union européenne Bernardino Leon et des ministres des Affaires étrangères des Emirats arabes unis et du Qatar, s'est faite dans le cadre des efforts diplomatiques pour éviter plus de violence et faciliter le dialogue en Egypte qui permette une transition vers un gouvernement civil démocratiquement élu", a déclaré la porte-parole adjointe du département d'Etat, Marie Harf, lors d'un point-presse. Un porte-parole des Frères musulmans avait auparavant assuré sur Twitter que M. Chater avait "refusé" la visite de M. Burns. M. Chater a affirmé qu'il n'était "pas en position de discuter" et conseillé à la délégation de "parler à M. Morsi", détenu au secret par l'armée depuis sa destitution le 3 juillet, a ajouté Gehad al-Haddad. Il s'est borné à leur rappeler qu'il n'y avait "pas d'alternative à la légitimité" de la première présidentielle libre du pays qui a porté M. Morsi au pouvoir en juin 2012. Ballet diplomatique ininterrompu Mais Mme Harf a déclaré à plusieurs reprises qu'"actuellement, il n'y a aucun projet pour le secrétaire d'Etat adjoint de rencontrer Mohamed Morsi". M. Burns, dont le pays a récemment surpris les observateurs en défendant clairement le coup militaire, avait été autorisé à rencontrer M. Chater dans le quartier de haute sécurité de la prison de Tora, en banlieue du Caire, où est également détenu l'ex-président Hosni Moubarak, renversé par une révolte populaire début 2011. Khairat al-Chater, l'un des plus importants financiers de la confrérie, sera jugé à partir du 25 août avec le Guide Mohamed Badie et son second adjoint Rachad Bayoumi pour "incitation au meurtre" de manifestants anti-Morsi lors d'une attaque de leur QG au Caire le 30 juin, journée de manifestations massives qui a conduit à la destitution de M. Morsi par l'armée. Trois autres figures de la confrérie seront jugées pour "meurtre". Ballet diplomatique ininterrompu De son côté, le représentant de l'UE, M. Leon, a rencontré le Premier ministre Hazem Beblawi. Impasse politique Nouveau pouvoir et partisans de M. Morsi campent fermement sur leurs positions et la communauté internationale redoute que la dispersion par la force des sit-in où les manifestants se sont barricadés avec femmes et enfants ne tourne au massacre. Les heurts en marge des mobilisations rivales pro et anti-Morsi ont déjà fait plus de 250 morts depuis la fin juin. Les nouvelles autorités, elles, alternent déclarations tonitruantes et appel au calme. Ainsi le général Sissi a assuré dimanche à des dirigeants islamistes qu'il y avait "encore des chances pour une solution pacifique", alors que le gouvernement intérimaire a multiplié les avertissements aux manifestants pro-Morsi qui campent sur deux places du Caire depuis plus d'un mois, les menaçant de les disperser par la force s'ils ne partaient pas "rapidement". De leur côté, les islamistes appellent quasi-quotidiennement les pro-Morsi à de nouvelles mobilisations, incitant à marcher "par millions" sur les sites militaires ou de sécurité, des appels qui sont toutefois de moins en moins suivis. L'annonce dimanche de la date du procès des principaux chefs des Frères musulmans pourrait également relancer leur mobilisation. Lundi, un millier d'entre eux ont d'ailleurs manifesté devant la Haute cour de Justice au Caire. Impasse politique Les islamistes affirment défendre la "démocratie" contre "le coup d'Etat", tandis que les détracteurs de M. Morsi l'accusent d'avoir accaparé le pouvoir au profit de sa confrérie sans être parvenu à améliorer la situation économique. Face à l'impasse politique qui perdure, M. Burns a plaidé auprès du général Sissi pour que toutes les forces du pays soient associées à la feuille de route qu'il avait annoncée au moment du coup militaire et qui prévoit notamment une nouvelle Constitution et des élections générales début 2014. Les nouvelles autorités ont toutefois prévenu que M. Morsi ne pourrait jouer aucun rôle dans l'avenir de l'Egypte. Il pourrait lui aussi être jugé et est actuellement sous le coup d'une demande de placement en détention préventive pour répondre de son évasion de prison à la faveur de la révolte de 2011. Dans l'instable péninsule du Nord-Sinaï, un soldat a encore été tué par des hommes armés. C'est le 33e membre des forces de l'ordre à périr dans cette région depuis le 3 juillet.