Le pouvoir égyptien mis en place par l'armée a proclamé mercredi l'échec de la médiation internationale tentée pour trouver une issue pacifique à la crise en Egypte et prévenu les Frères musulmans qu'ils seraient tenus responsables des conséquences de cet échec. Dans un communiqué, les services du président par intérim Adli Mansour préviennent que la période de médiation étrangère entamée il y a plus de dix jours "s'est terminée aujourd'hui". Les nouvelles autorités égyptiennes attribuent entièrement à la confrérie musulmane "l'échec de ces efforts ainsi que les événements et développements ultérieurs qui pourraient résulter de cet échec et seraient liés aux violations de la loi et à la mise en danger de la paix civile". Le signal donné est que le pouvoir pourrait mettre un terme par la force aux manifestations organisées sans relâche par les Frères musulmans depuis la destitution du président Mohamed Morsi, issu de la confrérie islamiste, le 3 juillet. L'Egypte est en crise depuis le renversement par l'armée du président, un an seulement après son investiture. L'intervention des généraux faisait suite à de vastes manifestations contre son régime, accusé d'accaparer le pouvoir et d'être incapable de sortir le pays de la crise économique. Un mois après, le bilan des violences qui ont suivi la destitution de Morsi frôle les 300 morts, dont 80 tués par les forces de sécurité dans la seule journée du 27 juillet. Le président déchu reste détenu dans un lieu tenu secret et ses partisans continuent à camper par milliers sur deux sites du Caire, à Rabaa et al Nahda. Mardi soir, de nouveaux affrontements entre pro- et anti-Morsi ont fait un mort et 35 blessés à Alexandrie, la deuxième ville du pays. Depuis fin juillet, des émissaires des Etats-Unis, de l'Union européenne, du Qatar et des Emirats arabes unis tentaient de résoudre la crise et d'éviter un nouveau bain de sang entre les partisans du président déchu et les forces de l'ordre. Le communiqué de la présidence provisoire souligne que le gouvernement a permis à ces émissaires "de rendre visite et de discuter" de la situation avec un grand nombre d'interlocuteurs, y compris des cadres emprisonnés des Frères musulmans. L'objectif, poursuit le pouvoir, était de pousser la confrérie à "respecter la volonté du peuple" manifestée lors des rassemblements anti-Morsi. "Ces efforts n'ont pas obtenu le succès espéré malgré le soutien total apporté par le gouvernement égyptien", ajoute la présidence. PAS DE REACTION DES FRÈRES, WILLIAM BURNS QUITTE LE CAIRE Aucune réaction n'est venue dans l'immédiat du camp des pro-Morsi. L'université Al Azhar, plus haute autorité religieuse sunnite du pays, a proposé de son côté la tenue d'une "grande réunion" après les fêtes de l'Aïd, qui marquent de jeudi à dimanche la fin du mois de jeûne du ramadan, rapporte l'agence officielle de presse Mena. "Des initiatives existent sur lesquelles il est possible de faire reposer le début d'une réconciliation nationale", a dit un responsable de l'institution. De son côté, tirant les conséquences de la déclaration présidentielle, William Burns, secrétaire d'Etat adjoint américain qui menait la médiation pour Washington, a aussitôt quitté l'Egypte, a-t-on appris auprès de sources à l'aéroport du Caire. Le diplomate américain s'était entretenu avec des membres du gouvernement et des Frères musulmans de concert avec l'émissaire de l'Union européenne Bernardino Leon et les ministres des Affaires étrangères du Qatar et des Emirats arabes unis. A Bruxelles, un porte-parole de Catherine Ashton, Haute Représentante de l'UE pour la politique étrangère, a indiqué que les Européens allaient "continuer de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour inciter à l'ouverture de ce dialogue inclusif si important pour (...) un retour à la transition démocratique en Egypte". Mardi, deux sénateurs américains en visite au Caire, les républicains Lindsey Graham et John McCain, avaient appelé l'armée à libérer des prisonniers politiques et à entamer un dialogue national pour ramener l'Egypte sur le chemin de la démocratie, estimant qu'un bain de sang menaçait le pays. "Les gens au pouvoir n'ont pas été élus. Les gens qui ont été élus sont en prison. Le statu quo n'est pas acceptable", a noté Graham. Il s'agit d'une "ingérence inacceptable dans la politique intérieure" de l'Egypte, a répliqué à la télévision publique égyptienne le président par intérim Adli Mansour.