82 ans à la mi-janvier. L'homme a traversé le XXe siècle. Que ce long parcours, sinusoïdal, soit discutable, il n'en reste pas moins riche. D'abord, militant du PPA-MTLD où il a quasiment connu la majorité des grandes figures de la Libération nationale. Puis, désigné à la première constituante, avant de rejoindre, dès 63, Aït-Ahmed dans sa clandestinité. Sous Boumediene, il sera ministre à deux reprises. Sous Chadli, il crée la première association des droits de l'Homme et connaîtra, deux fois, la prison où il côtoie Saïd Sadi, ce «mauvais élève» et Ali Benhadj. Durant les années 90, on le voit à Sant Egidio, avec les familles des disparus et le groupe des Quatre. A son âge, il faut, vraisemblablement, beaucoup d'endurance et une certaine dose de colère pour tenir. Tout est bon pour ce faire. S'opposer, à sa manière, est un métier même si l'argument et l'Autre change d'une période à une autre. Le drame même de l'Algérie indépendante, voire de la Guerre de libération, est liée, pour l'avocat, au fait «qu'on avait aux commandements des hommes d'action et non de réflexion, vite dépassés par l'ampleur du mouvement. Puis le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument». Ali Yahia sait manier, avec aisance, la belle formule. Il possède, en bon avocat, l'art de séduire et de convaincre. En politique, il ne se lasse jamais de répéter, élégamment, ses vérités agaçantes. Militant des droits de l'homme, il perd rarement le sens de la mesure lorsqu'il parle des hommes. Ses phrases semblent particulièrement mesurées lorsqu'on évoque les figures historiques, que ce soient Abane ou Ben Bella: «Ce ne sont que des opinions personnelles; la vérité historique est tout autre, et elle ne peut être que l'oeuvre de la jeune génération». L'homme, affable, adore dénuder les vérités des autres et ressasser, différemment, les siennes. Que ses opinions politiques soient discutables ou récusables, l'homme, qui compte bientôt quitter la scène, a déjà marqué à sa manière l'histoire.