La fête sera célébrée cette année sur fond de bruits de bottes dans le Golfe et de paupérisation accrue dans notre pays. L'Aïd Al-Adha, la fête du sacrifice de Sidna Ibrahim El-Khalil, sera célébrée demain en Algérie et dans le reste du monde musulman. Plus de deux millions de fidèles ont entamé hier à La Mecque, les rites du Hadj, le pèlerinage annuel, par lequel commence cette fête. En ce deuxième mois de l'année 2003, l'ambiance de fête risque d'être gâchée quelques jours après, par les grondements de la guerre qui, de l'avis de tous, semble inévitable à moins d'un miracle. Située géographiquement à des milliers de kilomètres du champ de bataille, l'Algérie ne sera pas moins concernée par cet éventuel conflit dont tout le monde prédit qu'il sera un cataclysme, sinon un séisme hors échelle. Mais cette fête articulée sur le sacrifice du mouton et ses multiples connections, n'est pas seulement enveloppée chez nous par ce contexte international exécrable, elle a aussi comme toile de fond, les événements politiques et sociaux qui sont propres à l'Algérie, qui caractérisent sa scène nationale ou qui vont la façonner dans les prochains mois, voire dans les prochaines années. Le microcosme politico-médiatique du pays, obnubilé par l'échéance de l'élection présidentielle du printemps 2004, semble focaliser toute son énergie sur ce rendez-vous important dans l'évolution politique du pays et voudrait que les citoyens et les futurs électeurs le suivent dans ses précoces pérégrinations politiciennes et électoralistes. Or, le déphasage est là. La population ne semble pas prête à être entraînée, dès à présent, sur ce terrain, même si durant les rencontres familiales que ne manquera pas d'occasionner cette fête, avec ses longues journées de congé, les discussions sur ce sujet ainsi que sur la crise américano- irakienne, seront légion. Auparavant, les citoyens demeuraient préoccupés et intéressés par tout ce qui est lié de près ou de loin à l'achat du mouton et de ses «accessoires» (fourrage, fruits et légumes, pain, lait etc.). Les débats de la rue algérienne et des ménages tournent quasiment tous, autour du prix excessif ou non du bélier et des dépenses qu'il engendre dans un contexte économique où le pouvoir d'achat des consommateurs ne cessent de décroître par rapport aux prix. Il est vrai, que depuis des années déjà des pans entiers de la société algérienne (entre 12 et 17 millions de personnes) se trouvent de facto, exclus de toute prospérité ou carrément de toute décence et vivent quotidiennement en dessous du seuil de pauvreté. Du coup, les actions caritatives et de solidarité nationale trouvent toutes leur raison d'être en ces temps de descente aux enfers pour certaines catégories de citoyens. Ainsi, un peu partout sur le territoire national, les structures sociales des wilayas et les organisations associatives de la société civile, essaient un tant soit peu de réduire les souffrances de ces couches sociales de la population algérienne. Dans ce cadre, et à titre d'exemple, à l'approche de l'Aïd, la Direction de l'action sociale de la wilaya de Tipaza a lancé, hier, une opération de solidarité avec les familles les plus démunies parmi les victimes du terrorisme. 300 familles des différentes communes de la wilaya bénéficieront d'une part de viande fraîche, alors qu'une famille d'orphelins et le Centre national des femmes victimes du terrorisme auront, quant à eux, des moutons entiers. A Constantine, cette même direction au niveau de la wilaya, a procédé hier à l'affectation d'une cinquantaine de moutons au profit des établissements spécialisés qui accueillent l'enfance handicapée et les pupilles de l'Etat ainsi que les personnes démunies et les orphelins de la wilaya. Cette opération, rendue possible grâce à une enveloppe financière de 779.000 DA, dégagée par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité nationale et l'Action du mouvement associatif de la ville, est essentiellement destinée aux communes déshéritées. Voilà qui réconforte en ces temps de périls internationaux et d'incertitudes nationales des populations constamment acculées par des forces autant internationales que locales, dont le seul souci est le profit et l'intérêt.