«Ce n'est pas sans une certaine émotion que je dresse ici un premier bilan de ma visite d'Etat en Algérie». C'est devant un large parterre de journalistes, représentant la presse mondiale, que le président Chirac a animé hier une conférence de presse au Palais des nations. Visiblement ému par «l'accueil chaleureux (que lui a réservé) la population algéroise», le président français a tenu à rendre «un grand hommage au Président Bouteflika» dont la visite d'Etat de juin 2000 a permis l'amorce de ce processus dont un jalon vient d'être posé aujourd'hui. Conscient que le peuple algérien, qui lui a réservé un accueil remarquable lors de ses deux visites à Alger, est prêt à faire le grand saut, Chirac a tenu à annoncer «solennellement (son) désir de sceller un pacte de solidarité pour l'avenir». Un geste politique très fort par lequel la France entend afficher son désir d'aller vers une coopération «exceptionnelle» avec notre pays. Même les hommes d'affaires français éprouvent le «besoin» et le «désir» d'investir en Algérie. La refondation des relations entre les deux pays, a tenu à expliquer le chef d'Etat français, ne veut pas dire qu'il faille «oublier le passé», il s'agit au contraire de «l'assumer pleinement». D'où, au reste, le recueillement, dimanche, devant le Sanctuaire des martyrs et les poignées de mains chaleureuses échangées hier avec deux figures de proue de la Guerre de Libération nationale. A ce propos, Chirac a évoqué son père spirituel, de Gaulle, qui, le premier, a parlé de «paix des braves». Le président Chirac , en outre, s'est montré très sensible au martyre enduré par le peuple algérien dans sa lutte contre le terrorisme. «J'ai longuement évoqué ce sujet avec le Président Bouteflika, a-t-il dit, qui m'a entretenu de ses projets de concorde et de paix civile». Et de réitérer le «soutien indéfectible de la France et de l'UE à l'Algérie dans son combat», mais aussi «dans la lutte contre le terrorisme mondial jusqu'à son éradication totale». Interpellé sur le sujet des disparus, dans le même contexte donc, le président français a confirmé que ses services «ont reçu une missive de cette association. Il est vrai que j'ai évoqué ce sujet délicat avec le Président Bouteflika». Esquivant, à coups d'humour, les sujets internes à l'Algérie, le président Chirac a répondu comme suit à propos de la saisine du mouvement des ârchs: «Mon emploi du temps très chargé ne me permettait de recevoir aucune délégation. Il est vrai qu'une lettre a été remise à notre ambassade à Alger. Je n'en ai pas encore pris connaissance.» Interpellé sur les «révélations» à propos de l'assassinat des moines de Tibehirine, le président français a confirmé que «des enquêtes se poursuivent en effet», ajoutant que «les révélations apportées ne reposent sur aucune base juridique et ne sont donc pas dignes d'intérêt pour la justice». A propos du sujet brûlant des visas, Chirac, une nouvelle fois, a rendu hommage à Bouteflika grâce à qui une nouvelle dynamique a été initiée, qui a permis d'améliorer les conditions de délivrance de ce document, ajoutant que la France est le pays qui en délivre le plus aux Algériens et que cette cadence allait continuer crescendo. Cela, non sans souhaiter que les Français puissent voyager librement vers l'Algérie, y compris les rapatriés. Entendre par là les pieds-noirs et les harkis. Pour ce qui est des sujets internationaux, Chirac a réitéré son refus du renversement du régime de Saddam, insistant sur le contenu de la résolution 1441 et ses objectifs particulièrement explicités. Pour le président français, «la position exprimée par le dernier sommet arabe rejoint, dans ses grandes lignes, celle de la France», ce qui représente une victoire et une grande chance pour la paix. Au péril de faire grincer quelques dents, Chirac a dénoncé «le tourbillon de la violence au Proche-Orient», plaidant en faveur d'une «solution juste et équitable en faveur des deux Etats, israélien et palestinien». Pour ce qui est des relations algéro-marocaines, Chirac a tenu à préciser que le roi marocain et le Président algérien sont souverains et responsables et qu'il n'a donc pas besoin de jouer les intermédiaires. Il n'en a pas moins salué, de nouveau, le réchauffement des relations entre ces deux pays. Pour ce qui est de la question du Sahara occidental, enfin, le président français a tenté de garder une grande neutralité, non sans évoquer l'ONU, mais aussi les dernières propositions de James Baker qui, a-t-il souhaité, doivent être soigneusement étudiées et prises en compte par l'ensemble des parties concernées.