Comme une traînée de poudre, la nouvelle a fait le tour d'Algérie, poussant des centaines de familles à venir aux nouvelles. C'est sous le chapiteau d'honneur que les centaines de personnes, hystériques pour la plupart, ont été installées jeudi en attendant les nouvelles de Tam. Impossible de leur parler. Restait quand même le moyen de les écouter parler seules, s'adressant presque au destin, dans un désir fou de conjurer le sort. Les familles ont même violemment pris à partie les cameramen accusés de faire de la détresse des gens leur fonds de commerce. Les photographes de presse, eux, ont réussi à se faire très discrets, immortalisant ces moments d'intense émotion et de douleur sans trop se faire remarquer. C'est ainsi qu'une jeune femme se culpabilise d'avoir «assassiné» son amie pour l'avoir invitée à passer un week-end à Alger. Elle devait arriver dans le Boeing 737 qui s'est écrasé jeudi vers 15h 45 min. L'époux de la copilote, M.Yousfi, s'est littéralement évanoui en apprenant la mort de sa femme. Un steward avait permuté avec sa fiancée. Comme un fou, il a longtemps erré, espérant toujours, avant de se rendre à l'évidence. La femme de sa vie avait, elle aussi, péri dans le crash. Les services d'Air Algérie, mais aussi les douaniers et les policiers, ont tous été mobilisés pour prodiguer aide, assistance et même soutien psychologique à ces familles qui continuaient d'affluer au fur et à mesure que la nouvelle se propageait telle une traînée de poudre. Chacun gardait le fol espoir que ses proches, ses amis ou ses connaissances n'avaient pas péri. La rumeur a commencé à circuler qu'il y avait un seul rescapé. Involontairement, follement, chacun a espéré que ce soit le sien. L'effondrement de tous a été total, indicible, lorsque la liste des victimes a été affichée. Les officiels, Nourani, wali d'Alger, et Ould Kablia, ministre délégué chargé des Collectivités locales, ne sont arrivés que vers 21h 45 min. La première préoccupation du wali aura été de prendre connaissance de la liste des victimes. Des membres de la direction de l'Ugta se sont déplacés, eux aussi, vite rejoints par Sidi Saïd qu'accompagnait Bouchoua-reb. Le patron de la Centrale a affirmé que son syndicat a mis l'ensemble de ses moyens au service des victimes et de leurs familles, s'emportant brusquement: «Cela fait plus de trois ans que nous demandons le renouvellement de la flotte, trop vétuste. Le problème des investissements dans ce secteur se pose aujourd'hui avec acuité.» Dans ce climat, quasi irréel, des affinités se créent. Les langues se délient de manière quasi involontaire. C'est ainsi qu'une hôtesse de l'air nous a indiqué que «cet accident devait avoir lieu un jour ou l'autre. La flotte est de plus en plus vétuste. Sa moyenne d'âge est de 30 ans». Un responsable d'Air Algérie nous indique, pour sa part, que «le vol a été retardé de deux longues heures parce que le pilote, irréprochable, c'était celui du Président, avait détecté des problèmes techniques. Le mécanicien a fini par le rassurer et par lui dire que tout était rentré dans l'ordre. Je refuse catégoriquement de croire que ce pilote hors pair soit responsable de quelque manière que ce soit dans ce drame». Les familles, les employés et même les responsables ont passé une nuit blanche. La plupart ont pris l'avion de Tam de 7h, qui pour reconnaître le corps d'un ami, qui pour apporter aide et assistance aux victimes, qui pour s'enquérir des circonstances exactes de ce crash.