Les Etats-unis d'Amérique se sont mis à dos près d'un milliard de musulmans par la faute de leur président. Presque toutes les autorités religieuses du vaste monde arabo-musulman ont émis des fetwas interdisant, d'un côté, l'aide aux Etats-Unis d'Amérique dans sa guerre contre l'Irak, et rendant «licite toute action de défense contre cet ennemi». Pour enlever toute ambiguïté à cette tendance qui se généralise, jour après jour, le grand mufti d'Egypte et cheikh d'Al-Azhar, la plus éminente référence islamique en matière de jurisprudence et fetwas religieuses, Mohamed Sayed Tentaoui a tenté de faire un distinguo entre «terrorisme» et «djihad». «Le djihad, a-t-il dit hier, dans les colonnes du quotidien arabe Al Hayat pour défendre l'Irak, sera un devoir pour tous les musulmans...mais il y a une différence entre djihad et terrorisme. Le terme «djihad» a une acception large et fait généralement référence au devoir des musulmans de se défendre contre un ennemi armé et à des actions prises pour soutenir une telle résistance.» Utilisant le terme de «djihad», le comité de recherches théologiques d'Al-Azhar avait, lundi dernier, condamné «toutes les tentatives des Etats-Unis qui visent, à travers leur déploiement militaire, des millions d'êtres humains de la Nation arabe ainsi que leurs valeurs sacrées.» Le comité avait aussi demandé à «tous les Arabes et aux musulmans du monde entier de se tenir prêts à lutter et à se défendre et à défendre leurs valeurs sacrées», et à «ne pas faiblir devant cette agression». Cette position tranchée de la part d'une institution proche du pouvoir en Egypte doit constituer matière à réflexion aux responsables de la Maison-Blanche, car la même attitude est adoptée pour l'ensemble des institutions religieuses et théologiques du monde musulman. Il y a moins de cinq jours, l'Association des oulémas musulmans algériens, institution non officielle, mais qui fait autorité en la matière, a prononcé une fetwa similaire. Les partis politiques, les associations, les mouvements et les corporations d'Algérie et d'ailleurs ont largement dénoncé l'hégémonisme US et (ré) affirmé leur soutien à l'Irak. Au moins plusieurs conséquences pourraient être, déjà, induites par cette attitude qui fait consensus parmi les populations musulmanes. Primo, il s'agit d'un dangereux unanimisme dont les EU pourraient faire les frais. Les maillages formés autour des ambassades américaines dans les pays arabes en disent long sur la menace, de plus en plus visible, qui va, désormais, peser sur elles. Deuzio, il y a lieu de constater que le capital sympathie qui s'est formé autour des EU, au lendemain du 11 septembre 2001, a été lamentablement dilapidé, et là où les chefs islamistes, eux-mêmes, ont échoué, Bush a, hélas pour son pays, réussi à s'aliéner près d'un milliard de citoyens musulmans, convaincus, pour de bon, que l'axe du mal a changé de trajectoire. Cette situation, née d'une volonté de frapper le terrorisme, va, au contraire, alimenter tous les extrémismes islamistes de la planète contre les intérêts de Washington. Tertio, l'entêtement de Bush à agir contre une opinion internationale dont il n'a cure, a convaincu les pays arabes à revoir leur vision posée sur l'Amérique et Bush. En termes clairs, nous assistons à un retournement d'opinion spectaculaire dont les EU pourraient faire les frais.