Les convulsions que connaissent les villes irakiennes et la guerre acharnée qui s'y déroule ont donné du tonus aux islamistes algériens, qui, par ce biais, refont surface et s'agitent au quotidien. Si le MSP, le MRN ou Ennahda se sont exprimés en tant que partis politiques islamistes légaux et constitutionnels, il y a à retenir que des leaders de la nébuleuse dissoute ont marqué de leur présence la scène politique algérienne, très agitée ces dernières semaines. Dans un dernier communiqué, d'une extrême virulence, Abdelkader Boukhamkham dit être outré par l'arrogance occidentale, et la guerre «injuste et suspecte menée ostensiblement par les Etats-Unis d'Amérique contre l'Irak et toute la région arabe». Ces propos sont les premiers de cet ex-leader du FIS dissous, après de long mois de silence imposé par le contexte politique national et les tiraillements qui agitaient la nébuleuse du parti dissous. Avant Boukhamkham, c'était Madani Mezrag, ex-chef de l'AIS qui s'était exprimé pour dénoncer les attaques anglo-américaines, assimilées à une véritable croisade judéo-chrétienne contre le monde musulman et ses valeurs civilisationnelles. L'ex-chef de l'aile armée du FIS, qui ne s'exprime que par à-coups, représente bien sûr la vitrine d'un vaste conglomérat de groupes islamistes plus ou moins liés idéologiquement à l'ex-FIS. Entre la sortie médiatique de Boukhamkham et de Madani Mezrag, Ali Benhadj, l'ex-n°2 du FIS toujours en détention à la prison militaire de Blida, avait émis le voeu - réitérant celui de 1991 et la première guerre du Golfe - d'aller «combattre aux côtés du peuple irakien contre l'envahisseur américain». Benhadj, dont la libération pourrait intervenir vers la fin du mois de juin - c'est-à-dire dans moins de trois mois - s'était, lui aussi, imposé un silence depuis au moins quatre mois, et cette nouvelle humeur renseigne sur ses attitudes inchangées et son comportement toujours aussi impulsif. Les jeunes islamistes de la vaste nébuleuse, de leur côté, n'ont pas attendu les fetwas des oulémas pour se rallier au djihad, consacré par la guerre en Irak. Entre 130 et 160 Algériens auraient rejoint l'Irak juste avant et au début de la guerre, apprend-on de source proche de l'ambassade irakienne à Alger. A la centaine de visas octroyés aux jeunes candidats pour le djihad en terre d'Akkad, se sont ajoutés à ceux qui y vivaient déjà et ceux qui sont venus de Syrie, de Jordanie ou même du Pakistan (un récent accord de coopération entre Alger et Islamabad en matière de sécurité a contraint beaucoup d'Algériens à quitter les villes pakistanaises), voire même d'Afghanistan, de Bosnie, etc. Le plus gros des nouveaux candidats, estimé à environ soixante-dix, est passé en Irak via la Jordanie, et un journaliste français a affirmé avoir rencontré un autocar qui transportait des Maghrébins qui rejoignaient Bagdad. Comme en 1991, avec la première guerre du Golfe, le djihad reste le fait de jeunes islamistes convaincus. Sauf que cette fois-ci, la guérilla urbaine dans Najaf, Qarbala, Bassora et surtout Bagdad aura permis à ces jeunes de «s'exprimer» pleinement sur le terrain, et il est fort à parier que des Américains continueront à mourir quotidiennement dans les centres urbains et les agglomérations même après les avoir totalement conquis. Car le propre de la guérilla est d'être de longue haleine, insidieuse et diffuse.