Sentant le vent tourner et le marché irakien lui glisser entre les doigts, L'Elysée opère un revirement. Après avoir menacé d'opposer son veto au Conseil de sécurité de l'ONU, position qui lui a valu l'admiration et l'estime du monde arabe de par son opposition à une guerre illégitime, voici venue l'heure des intérêts. En écho au Premier ministre français, Jean-Pierre Raffarin, qui, sorti de la prudence verbale observée par Paris depuis le début de la guerre en Irak, souhaite la victoire des Etats-Unis et condamne l'antiaméricanisme, c'est au tour du ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, de confirmer la position officielle de la France affirmant que Paris sera toujours aux côtés des alliés «dans la guerre, la France est aux côtés de ses alliés, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne». Ce qui laisse penser que toutes les tentatives d'avant-guerre de la France dans l'espoir d'éviter le conflit n'auraient été que gesticulations. En outre le chef du Quai d'Orsay a, par ailleurs, sommé, mardi, les pays du Moyen-Orient «d'observer la plus stricte retenue» dans le conflit irakien. «Rien ne serait pire que l'embrasement de la région», a ajouté le ministre interrogé à propos de la Syrie qui a pris clairement position en faveur de l'Irak en appelant à une «extrême vigilance» et à ne pas «ajouter de l'huile sur le feu». Et, afin d'être sous les bons auspices du prochain gouvernement irakien, il a estimé que la résolution adoptée vendredi par le Conseil de sécurité de l'ONU permettant la reprise du programme «Pétrole contre nourriture» qui avait été interrompu à la veille du déclenchement de la guerre marque «la volonté de tout faire pour réduire les souffrances et les horreurs». Tout en reconnaissant à contrecoeur: «Nous n'avons pas pu renverser le cours des choses mais « la diplomatie a fait changer les mentalités», a dit M.de Villepin qui a plaidé à nouveau pour l'unité de la communauté internationale et le rôle central de l'ONU, «seul instrument de légitimité internationale». Cette volte-face de la France est beaucoup plus dictée par des intérêts économiques et commerciaux que par souci d'éviter les risques de voir la région s'embraser davantage. Evoquant les récents contacts avec le Premier ministre britannique Tony Blair, il a estimé que «sur la reconstruction», Paris et Londres «sont sur la même ligne pour donner le rôle central à l'ONU». Faisant les yeux doux au prochain gouvernement irakien qui devrait avoir une connotation pro-américaine, il a exprimé le souci de la France «de très vite reconnaître l'unité, l'intégrité, la souveraineté de l'Irak» en ajoutant: «Nous avons besoin d'un gouvernement légitime irakien avec l'ONU pour l'accompagner, pour servir d'outil de légitimité.» Concernant la période de la reconstruction de l'Irak, le chef de la diplomatie française a recommandé d'aborder cette période avec «une extrême précaution . Une étape que les Français ne veulent pas rater tant le marché irakien paraît grandiose et juteux. D'ailleurs l'armée américaine a déjà attribué le principal contrat de lutte contre les incendies de puits de pétrole en Irak à une filiale du groupe américain Halliburton, qui avait été dirigé jusqu'en 2000 par le vice-président Dick Cheney. Un contrat qui pourrait valoir des dizaines de millions de dollars à la société Kellogg, Brown and Root. De ce fait la France ne veut pas se contenter des miettes, mais bien au contraire elle table sur le gros paquet comme après la première guerre du Golfe de 1991 où ses sociétés ont eu droit à la plus grande part du marché. La France ne sera pas le seul pays à être exclu du marché irakien. La Russie aussi craint d'être ignorée par un futur régime irakien mis en place par les Américains de par sa position contre la guerre, quoique des compagnies pétrolières russes, notamment le numéro un Loukoil, soient sur place et possèdent d'importants contrats avec Bagdad. Cependant, Washington considère, dans cette optique, que les contrats signés par Saddam Hussein sont caducs, nuls et non avenus. A Moscou donc de faire valoir son antériorité.