Hier à 11h, Nicolas Sarkozy est entré officiellement dans ses fonctions de sixième président de la Ve République française pour un mandat de 5 ans, à l'issue d'une passation des pouvoirs solennelle et cérémoniale. Jacques Chirac, après 40 ans de vie publique et 12 ans à la tête de l'Etat français, quitte l'Elysée avec le sentiment du « devoir accompli ». S'adressant aux Français, dans une allocution radiotélévisée, mardi soir, le président sortant a dressé un bilan positif de ses deux mandats présidentiels (7 et 5 ans), alors que les analystes politiques sont mitigés. « Grâce à vous, grâce à votre engagement, nous avons modernisé notre pays pour l'adapter aux profonds changements de notre temps et nous l'avons fait dans la fidélité à notre identité et en portant haut les valeurs de la République », a-t-il déclaré. Et cette recommandation : « Restez toujours unis et solidaires. Bien sûr, nous sommes profondément divers. Bien sûr, il peut y avoir des différences de conception, des divergences de vue. Mais nous devons, dans le dialogue, dans la concorde, nous retrouver sur l'essentiel. » « Dès demain, a-t-il annoncé, je poursuivrai mon engagement dans ces combats pour le dialogue des cultures et pour le développement durable », à partir d'une fondation qu'il lancera à l'automne et qui sera présidée par l'ancien président du Fonds monétaire international, Michel Camdessus. Que restera-t-il de Jacques Chirac ? Interrogés sur ce qu'ils garderont de l'ère chiraquienne, les Français citent spontanément son opposition à la guerre en Irak en 2003. Mais la perception de son bilan par les Français est assez sévère : 54% le jugent mauvais et 44% bon, selon un sondage BVA/Orange pour la presse régionale publié jeudi 10 mai. La crise irakienne est de loin l'événement le plus marquant de sa présidence, citée par 42% des personnes interrogées. Les Français ne retiennent ensuite que des échecs : la qualification de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de la présidentielle en 2002 (14%), la victoire du « non » au référendum de 2005 (10%), la dissolution ratée de 1997 (6%), la crise du CPE (6%) ou les « affaires » (6%). C'est en politique étrangère que Jacques Chirac se sera le plus distingué au cours de ses deux mandats présidentiels, par des déclarations et des gestes concrets, mais aussi par des ratages comme le pacte d'amitié avec l'Algérie qu'il n'a pas concrétisé. Sur une intervention militaire américano-britannique en Irak, en 2003, le président Chirac a opposé son veto au Conseil de sécurité des Nations unies. Cet épisode a aussi renforcé sa popularité dans l'opinion arabe qui ne s'est pas démentie depuis son altercation avec les forces de sécurité israéliennes à Jérusalem lors d'un déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens en 1995. Après l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri, en février 2005, Jacques Chirac, avec le soutien décisif de Washington, réussit à convaincre le Conseil de sécurité de l'ONU de contraindre la Syrie à se retirer du pays. Lors de l'intervention armée d'Israël au Sud-Liban en juillet 2006, il décide d'envoyer des soldats français renforcer la force de l'ONU (FINUL) dans la région. Au Maghreb, Jacques Chirac a pris le parti du Maroc dans le conflit qui l'oppose au Front Polisario sur le Sahara occidental. Jacques Chirac qui a fait de la politique étrangère de la France « un domaine réservé » du président de la République, s'est voulu dans la continuité du général de Gaulle en matière de politique arabe, allant toutefois, à la différence du général de Gaulle, jusqu'à entretenir des relations personnelles avec certains dirigeants et leaders politiques arabes, mais aussi africains. C'est le cas avec la monarchie marocaine, ou avec la famille Hariri (qui a mis à sa disposition son appartement parisien pour sa retraite). Avec l'Afrique, Chirac a poursuivi la politique initiée sous de Gaulle par Jacques Foccart, (secrétaire général de l'Elysée et patron des services secrets), puis par Charles Pasqua et avec laquelle Nicolas Sarkozy veut rompre.