Lorsqu'on a connu la misère et la faim et subi l'humiliation et l'injustice, les souvenirs sont têtus et peuvent devenir un remède pour la conscience. A soixante-cinq ans, Mohamed Boussadi, «un autodidacte [qui] étudia autant que les conditions difficiles de son existence tourmentée le lui permirent», nous propose son premier roman Les années sombres (*). C'est un témoignage multiple et crispé sur «une époque révolue». Après tant de haine, dont il a été la victime durant sa jeunesse et tant de changements au lendemain de la longue épouvante, le personnage central de ce roman est déchiré, encore aujourd'hui, par l'installation de l'anormalité dans son pays. Tout le bouleverse, jusqu'à cette petite école de La Casbah qui semble - mais pour combien de temps encore? - préserver son secret, voire son intimité. Cependant, l'auteur-narrateur ne cache pas un certain et paradoxal désabusement. Il écrit, en effet: «Mais gageons qu'avec la crise du logement qui sévit à l'heure actuelle, quelqu'un osera briser son inviolabilité. Celui-là, ignorant sa légende, franchira son seuil pour lui redonner vie.» Pour expliquer ce dont il est question, Mohamed Boussadi nous raconte en détail une histoire qui s'est déroulée à une époque, pas si lointaine, où la violence était de toutes les formes, et c'est l'histoire de Mohamed, son autre dans le miroir de son existence. Est-ce un roman, un récit, un conte, un document, un compte-rendu d'une vie, une autobiographie? L'auteur a mis volontairement ou non un peu de tous ces genres dans son ouvrage qui comprend onze chapitres munis d'un Prologue et d'un Epilogue.