Ceux ayant en charge de juguler ce trafic impressionnant font ce qu'ils peuvent. Le corollaire inéluctable de l'implacable crise économique qui a foudroyé le pays, le travail au noir très en vogue depuis des années déjà, s'est finalement imposé. Le chômage, qui culmine dans la wilaya de Biskra à hauteur de 40%, se trouve être un puissant levier de ce phénomène qui a, en peu de temps, pris des proportions jamais soupçonnées auparavant. Des jeunes, des moins jeunes, des filles et des vieux recourent systématiquement à ce travail non conventionnel, pure exclusivité du secteur privé, qui s'est affirmé, au fil des ans, comme une heureuse planche de salut qui permet à nombre de familles de survivre en attendant des jours meilleurs. Ceux qui acceptent de s'investir dans cette activité informelle, donc illégale, ne sont pas forcément des ignares. Ils sont presque tous conscients que leurs droits les plus élémentaires sont bafoués, que leur statut de citoyen a, de plus en plus, tendance à s'amenuiser face à la montée de l'exploitation, mais peuvent-ils agir autrement? Sont-ils capables d'abandonner cette aubaine qui s'offre à eux, au moment où ils en ont terriblement besoin? Lorsque la nécessité fait loi, il est difficile de résister à la tentation surtout lorsqu'au bout de la chaîne, se profile le spectre de la faim. Les choses n'étant plus ce qu'elles étaient, on les voit, aujourd'hui, ces demandeurs, des sous-emplois en quête d'une solution. Ils opèrent dans les secteurs d'activité que l'on peut imaginer. Ceux ayant en charge de juguler ce trafic impressionnant par sa démultiplication font ce qu'ils peuvent, tout en reconnaissant qu'avec les moyens de contrôle qui existent actuellement et surtout avec les textes obsolètes encore en vigueur, ils ne peuvent jamais aller au bout de leur logique de lutte contre les contrevenants. Au titre du 3e trimestre de l'an 2002, par exemple, le service contrôle de la Cnas de la wilaya de Biskra a ciblé trois secteurs, en priorité. Ceux du bâtiment, de l'industrie et des prestations de services, tous connus pour être des viviers inépuisables du travail au noir. Ce contrôle s'est soldé par la découverte de 481 cas d'agents non déclarés, dépourvus de tous leurs droits, exception faite du salaire, ce qui illustre la proportion atteinte par cette activité en tous points illégale. Les esclaves des temps modernes - c'est ainsi qu'on doit les appeler - se comptent en réalité par milliers qui s'exposent aux pires dangers, qui perdent dans l'échange cynique qui se fait, dignité et honneur, qui acceptent d'aller au charbon exécuter de sales besognes et qui n'ont d'autre choix que celui de subir: «Oui, assure une victime du travail au noir, je suis conscient que je n'ai aucune couverture sociale et par conséquent aucun droit, mais je n'ai nullement le choix. Je suis contraint d'accepter les règles du jeu même si elles ne m'avantagent pas. Mais pour nourrir ma charrette d'enfants, je suis prêt à tout». Un jeune ingénieur en électrotechnique a opté, bien malgré lui, pour cette forme nouvelle de la fameuse exploitation de l'homme par l'homme, mais n'en fait pas un problème majeur. «J'ai fini mes études et je me suis vite rendu compte que les postes de travail dont on rêvait à la «fac» n'étaient que des chimères, alors j'ai choisi la raison pratique et décidé d'accepter ce qu'on me propose. Je suis convaincu que je ne suis pas rétribué selon l'effort fourni, que je n'ai pas de couverture sociale, mais je le fais quand-même. C'est, tout compte fait mieux que le chômage. Et puis, soyons objectifs: si le privé fait preuve d'abus d'exploitation, qu'en est-il de l'Etat, incapable de nous fournir un «job»». A ce rythme-là, il y a vraiment de quoi se mettre martel en tête, surtout qu'une nouvelle pratique est venue s'ajouter à la liste, celle de la prostitution.