Un sondage sur le tutorat a été organisé à Alger. Résultat : près de 86 pour cent des personnes sont contre sa suppression dans le code de la famille. Vous hochez la tête, sceptique, dubitatif, vous n´en croyez pas un mot, même si on vient jurer. «Ouallah que le gouvernement a bien commandité ce fameux sondage». Non, ce qui vous turlupine, ce n´est pas tant qu´un sondage soit difficile à organiser à Alger. C´est même l´une des choses les plus faciles à faire, mais vous savez très bien que ce gouvernement n´a pas l´habitude de demander votre avis. L´a-t-il fait pour le code de la route, pour la loi sur les hydrocarbures, le statut de la Fonction publique, l´augmentation du prix du carburant, le verrouillage du paysage audiovisuel, la réalisation de la rocade des Hauts-Plateaux? Non. Quand il a envie de faire quelque chose, le gouvernement ne demande pas notre avis. Cette histoire de sondage n´a en fait qu´un seul objectif, celui de dire aux associations féministes: «Vous n´êtes pas représentatives». Objectif atteint. Apparemment. Cela dit, quel crédit faut-il accorder aux sondages? Tant que nous n´avons pas la fiche technique, nous ne savons pas quel échantillon de la population a été sondé, ni dans quelles conditions l´opération a été réalisée. A-t-on interrogé surtout les hommes, ou plutôt les , les jeunes ou les vieux, les cadres ou les hittistes? Il y a quelques années, soit en 1998, on avait réalisé, pour le compte d´une revue spécialisée, une table ronde sur le chômage avec de jeunes stagiaires. Leur réponse était sidérante: «S´il y a autant de chômeurs, c´est à cause des qui travaillent». On a eu la même surprise ces jours-ci en discutant avec des amis sur le projet de code de la famille: «Il n´est pas question, a-t-il été dit à l´unanimité, que je cède l´appartement à ma femme en cas de divorce». Encore heureux que M.Ouyahia n´ait pas commandé un sondage sur le logement du couple après le divorce, ainsi que sur la garde des enfants. Ben oui. On est dans une société masculine. Pour ne pas dire machiste. Pour autant, les plus vieilles démocraties, où le sondage est entré dans les moeurs et où tout le monde y a recours pour tester l´état de l´opinion à un moment donné et sur des questions diverses, n´accordent pas plus d´importance que cela aux résultats des sondages. D´abord, parce qu´un sondage peut démentir un autre sondage, soit en changeant les conditions de sa réalisation, soit tout simplement en modifiant les questions. Cela a été démontré par plusieurs études sérieuses. En outre, une élection peut très souvent remettre en question un sondage. Cela a été le cas à la dernière élection présidentielle française, où Jean-Marie Le Pen a bien devancé Jospin, ou bien américaine, où Bush a bien battu Kerry, malgré les sondages qui le donnaient perdant quelques semaines auparavant. Par conséquent, les sondages sont un instrument entre les mains des sociologues, les services du marketing des entreprises, l´Etat ou les collectivités locales, mais ils ne doivent pas justifier des décisions unilatérales prises par les pouvoirs publics. Dans les démocraties, les gens ont le droit de manifester dans la rue, mais cela n´empêche pas les élus du peuple de faire leur boulot. Quant à Ahmed Ouyahia, on voit bien que pour lui, ce fameux sondage n´est qu´une coquetterie de plus, un autre argument, une figure de rhétorique. Rien de plus. Celui qui vient de déclarer, en installant la Commission nationale sur la bonne gouvernance, que l´Algérie est une maison de verre, où tout se passe dans la transparence, n´a demandé l´avis de personne sur le projet de loi sur les hydrocarbures, sur lequel il a employé le langage de la fermeté: «Si vous votez contre, le président de la République dissoudra l´assemblée». C´est clair , non?