Une loi sur les sondages est actuellement en souffrance au ministère de l'Information et de la Culture. Les sondages ont-ils un impact sur le choix de l'électorat dans notre pays? La question mérite bien une réponse, quand on sait quelle tournure peut prendre un sondage à une élection dans un pays qui pratique le système démocratique depuis seulement douze ans. Pourtant, les sondages réalisés sur les élections, depuis l'avènement de la démocratie dans le pays, ont toujours été frappés d'interdit ou de censure. Même s'il n'y a aucune loi qui régit les sondages, l'administration et plus particulièrement le ministère de l'Intérieur, tolère les enquêtes qui sont réalisées sur les thèmes sociaux, culturels et même politiques. C'est ainsi, que le quotidien El Watan a publié un sondage édifiant sur la presse et qui a été réalisé en collaboration avec l'institut Abassa. L'institut en question s'est aussi illustré en organisant un sondage sur la Télévision nationale et Canal Algérie. Alors que le quotidien Liberté a été le seul à publier, à une certaine époque où le RCD était au gouvernement, un sondage sur le Président Bouteflika, qui indiquait que 65% des Algériens étaient satisfaits du Président. Contrairement à l'Algérie, ce genre de sondage est généralement publié chaque mois en France par de grands instituts spécialisés tels que Ipsos ou Sofres en collaboration avec Paris Match ou Le Monde pour tester le baromètre des intentions des Français sur leur président et leur Premier ministre. Chez nous, les sondages sont publiés sur commande et n'obéissent pas généralement à une ligne de conduite bien déterminée, a commenté un spécialiste de la communication. Ces sondages ont fait leur apparition sur la scène médiatique après les élections de 91, et ce, pour prévenir toute mauvaise surprise. Ils sont généralement suivis de près par les services du ministère de l'Intérieur et de la Défense. Ces derniers n'avaient pas prévu le raz de marée du FIS et c'est pourquoi, depuis, tout sondage est pris au sérieux et surveillé de près. Durant l'élection présidentielle de novembre 1995, le quotidien francophone El Ouma, proche des islamistes, publiait chaque semaine, durant la campagne électorale, un sondage sur les intentions de vote des Algériens. Des intentions qui avaient donné Nahnah premier et Zeroual second. Ces enquêtes n'avaient pas, à l'époque, inquiété l'opinion et la presse, en raison du soutien ouvertement affiché du quotidien pour le parti de Nahnah, alors qu'en haut lieu, le sondage était sérieusement pris en considération. A la veille de la clôture de la campagne électorale, la rédaction du journal reçoit un appel anonyme qui lui intimait l'ordre de ne pas publier le dernier sondage, sous peine d'être suspendu. Mis devant l'expectative et surtout avec l'absence du directeur de la publication, Saâd Lounas, en voyage en France, les journalistes ont décidé de leur propre chef de ne pas publier le dernier sondage invoquant une saugrenue histoire d'interdiction électorale. En réalité, sans le savoir, les sondages avaient donné Zeroual vainqueur et Nahnah second. Mais le responsable militaire qui avait appelé le quotidien El Ouma et qui a refusé de donner son grade ne voulait pas prendre le risque de faire passer encore un sondage susceptible de renverser la vapeur dans un camp adverse et faire échec aux intentions du pouvoir. Un mois après, le quotidien El Ouma est suspendu pour raison commerciale. C'est pour cette raison essentiellement qu'aucun quotidien ne s'est aventuré à faire un sondage et préparer l'opinion sur un raz de marée du RND en 97. Même constat lors de l'élection présidentielle de 99 où aucun journal ni institut n'ont été autorisés à faire un sondage. Seuls les RG du ministère de l'Intérieur et ceux du ministère de la Défense sont autorisés à faire des enquêtes sur les intentions de vote des citoyens et qui, parfois, traduisent réellement la situation sur le terrain. Des enquêtes réalisées avec efficacité et en toute discrétion. Et même si ces sondages coïncident avec les desseins établis par le pouvoir, leurs résultats ne sont jamais rendus publics. C'est le FFS qui avait évoqué, pour la première fois, l'existence des sondages fait par les RG en donnant le chiffre de 20% de participation pour les prochaines législatives. Des sondages frappés par le sceau du secret et qui sont mis à «la une» de quelques quotidiens pour prévenir un éventuel danger islamiste. Interpellé à ce sujet lors d'une conférence de presse, le ministre de l'Intérieur, démentira l'existence de tels sondages et annonce de bonnes surprises. Une surprise qui n'en est pas une, puisque le FLN est, d'ores et déjà, célébré comme le vainqueur attendu des prochaines législatives. Il est clair que la culture des sondages n'a pas encore une assise solide dans le quotidien des Algériens et la situation risque de perdurer, tant qu'aucune loi n'est créée pour régir ce genre d'enquêtes.