Résumé de la 3e partie Mme Parmentier a été inculpée pour meurtre. Mme Parmentier, horrifiée, a un geste de recul, puis elle se ressaisit. Tandis qu?elle monte, soit parce que cette idée lui tient à c?ur, soit pour l?obliger à penser à autre chose, le vieux policier lui demande : «Evidemment, 120 francs par mois, ce n?est pas très lourd. Mais croyez-vous que vous pourrez continuer à les verser ? ? Je ne sais pas. ça dépendra.» Sous-entendu, cela dépendra du talent de son avocat, de l?indulgence des jurés, de la compréhension du juge, de l?humeur du procureur et du temps qu?il fera sur Paris ce jour-là. La vie d?une petite fille qu?ici personne n?a jamais vue, mais qui, là-bas, existe bel et bien, dépend de l?issue d?un procès d?assises. Quelques jours après l?inculpation, le vieux policier a l?occasion de rencontrer Mme Parmentier, que l?on a sortie de prison pour quelques heures. C?est elle qui aborde le sujet : «Vous m?avez parlé, l?autre jour, de la petite Nurjhan que mon mari et moi avons parrainée. Est-ce que le cas de cette petite vous intéresse ?» Le policier, qui, entre-temps, a oublié ce détail, s?étonne avec un geste de surprise : «Si elle m?intéresse ? C?est un grand mot ! J?ai moi-même trois enfants, vous savez. ça m?a frappée, c?est tout. ? Bien. N?en parlons plus. ? Pourquoi ? Vous vouliez me demander un service ? ? Peut-être. j?ai reçu cette lettre. Vous pouvez lire.» Et Mme Parmentier tend au vieux policier une lettre tapée à la machine que le concierge du boulevard Malesherbes lui a fait suivre en prison. «Bien chère madame, «A l?instant, le facteur vient de nous remettre votre magnifique paquet qui : merveille ! ne coûte qu?un franc de taxe, alors que tous ceux qui arrivent ces jours-ci coûtent de 13 à 22 francs, ce qui fait une fameuse brèche dans la mensualité de ces pauvres enfants. Nurjhan vient chercher sa poupée. Si vous saviez comme elle est heureuse de mettre sa chemise et son pantalon blanc. Elle va pouvoir laver ce qu?elle a sur elle. Elle commence à être en loques. Il faut que je vous dise la vérité, c?est qu?en ce moment elle ne mange que quelques cuillères de riz chaque jour ? et encore? Le coût de la vie a subitement triplé, alors qu?il y avait eu déjà de grosses augmentations. Où allons-nous ? Si vous voyiez cette misère qui devient effrayante et redoutable ! Car non seulement nous avons le spectacle de ces pauvres victimes de la faim qui défilent au dispensaire, mais parmi nos enfants qui maigrissent à vue d??il, les vols commencent à dégénérer en pillage. On vole n?importe quoi pour le vendre à n?importe quel prix. Pour manger. «Combien arrivent au dispensaire, nous demandant un médicament qui ?donne de la force? ? Le premier, le meilleur, serait du riz. Au moment où je termine ces lignes, il pleut de façon que vous ne pouvez imaginer et ces pauvres gens n?ont même pas une guenille pour se changer. Cette année, comme il a plu très tôt et plus que de coutume, la moisson de jute qui se coupe en ce moment est presque entièrement perdue.» Le vieux flic a levé son grand nez pointu vers Mme Parmentier. «Voilà, explique celle-ci. J?ai pris l?habitude de lui envoyer un colis chaque mois, par avion, c?est le seul moyen pour qu?il puisse arriver, enfin disons : un colis sur trois, et encore ! Seul l?argent arrive toujours car il est transmis de banque à banque et, avec 50 francs, les bonnes s?urs peuvent acheter le riz nécessaire pour un mois, alors qu?un cadeau de deux kilos (c?est le poids maximum que l?on peut envoyer par avion) n?aura jamais autant de valeur. Pourtant, je continuais à lui envoyer des colis, mais maintenant cela me devient difficile...» (à suivre...)