L´Algérie a déjà eu ses «Afghans» à cause du djihad proclamé par les Américains contre l´influence communiste. Elle va avoir ses «Irakiens», là encore, à cause des Etats-Unis qui ont envahi l´Irak et créé un autre espace pour un autre djihad, ou plutôt un espace supplémentaire. Ce sont ainsi les Etats-Unis qui confèrent à l´islamisme une autre montée en puissance. Si on admet que c´est l´islamisme, appelé parfois intégrisme, qui sert de «matrice porteuse au terrorisme», on doit admettre a contrario que c´est la laïcité qui est la matrice porteuse de la démocratie. Or, en Irak, le régime de Saddam préparait la laïcisation de la société irakienne, même sous la contrainte. Dans la phase finale, c´est-à-dire à l´achèvement du processus de laïcisation, même si cela doit prendre du temps, la société irakienne arriverait au seuil de son basculement vers la démocratie car la dictature n´est tout de même pas éternelle. Dans ce que les Etats-Unis appellent le Grand Moyen-Orient (GMO), c´est donc particulièrement l´Irak de Saddam qui s´acheminait inéluctablement, bien que trop lentement, vers la réunion des conditions de sa démocratisation. Ces autres régimes dans la région, plus particulièrement ceux duGolfe, pratiquaient à la fois la dictature, Saddam n´étant pas le seul dictateur, et la plongée vers l´islamisme. Or, la chute de Saddam a interrompu le processus de laïcisation auquel se substitue le processus d´islamisation avec l´arrivée au pouvoir de la majorité chiite qui entend islamiser la Constitution. Les Etats-Unis avaient affirmé que le nouvel Irak servirait de modèle aux autres pays arabes. Le message a été bien compris par les islamistes de ces pays, lesquels réclament des élections libres et attendent des Américains qu´ils passent aux actes en mettant en oeuvre leur projet du GMO, c´est-à-dire en imposant la tenue d´élections transparentes et la participation des islamistes. Or, les Etats-Unis voient en l´islamisme l´ennemi d´aujourd´hui et de demain, en substitution à l´ennemi communiste d´hier. Ils sont donc disponibles pour freiner la mise en oeuvre du projet du GMO qui nécessiterait des élections transparentes. Condoleeza Rice a fini par «admettre», à la veille de sa tournée dans le GMO, que la démarche ne se construit pas en un jour car les Etats-Unis ne disposent pas de thérapie démocratique pour freiner le mouvement d´accès au pouvoir par les islamistes. Ils admettent ainsi, sans trop l´expliciter, que le modèle irakien ne doit pas se transférer vers les pays arabes alors que dans ces pays, c´est le système politique en place qui permet le mieux de préserver les intérêts des Etats-Unis car l´arrivée des islamistes est une inconnue par ses implications. Alors, les régimes arabes qui avaient fait preuve de leur hostilité à l´égard du projet du GMO, peuvent maintenant respirer. La démocratie se fera en plusieurs décennies, au propre rythme que lui insuffleront ces régimes, c´est-à-dire à la vitesse zéro.