On a l´impression ces derniers jours, dans notre pays, de découvrir la corruption. Comme si le phénomène venait juste de s´abattre sur nos têtes. Et là, il faut marquer une pause et rappeler que nous traînons malheureusement cette tare au moins depuis l´indépendance. Dès le deuxième mandat de l´histoire de nos élections communales, la vox populi s´était emparée d´un argument du maire sortant qui haranguait les foules en les dissuadant de voter contre son adversaire, un nouveau candidat, pour la simple raison que «le premier mandat est pour le maire et le second au peuple». Partant de cette équation, il fallait mieux aux électeurs de choisir le maire sortant qui, après avoir roté, pouvait commencer à penser au petit peuple. Cela date de la fin des années soixante. Près d´un demi-siècle après, le phénomène est toujours là. Plus étendu, plus sophistiqué. Tellement là qu´il s´est imposé dans les structures même de l´Etat. La corruption érigée en mode de gestion, en système de gouvernance? Voilà où nous en sommes arrivés un demi-siècle après la théorie du maire aux deux mandats. On s´étonne dès lors de l´étonnement affiché par l´ancien chef de gouvernement, Ahmed Ouyahia. Pour qu´une malversation financière devienne scandale, comme l´a qualifié chastement M.Ouyahia, il faut qu´elle nous surprenne, qu´elle nous horrifie par son côté inédit. Or, nous vivons avec la bête depuis la nuit des temps. Honnêtement, quel est l´Algérien qui ne connaît pas le calcul qui se fait couramment dans notre société. Sachant que la justice a toujours jugé les personnes sans toucher à leurs biens même mal acquis. Purger une peine de prison pour jouir après de l´argent détourné est une démarche carrément entrée dans nos moeurs. Avec fêtes et tambours à l´élargissement. Le scandale est plutôt causé par celui qui oserait bouder la fête. Qui ne voudrait pas faire comme tout le monde. Notre malheur est là. D´ailleurs comme pour se corriger, M.Ouyahia, a bien fait d´ajouter que bénéficier d´une ou deux gratuités ne rend pas forcément coupable. Surtout comme le précise M.Medelci, «dans le contexte de l´époque». Ces deux hauts responsables disent à demi-mot la réalité du phénomène. Notre rôle est de le crier. Oui, c´est le système qu´il faut juger et condamner à la «peine capitale», à l´éradication. Tous les accusés qui défilent devant les juges à Blida ou à Oran ne sont que des victimes de ce système. Si on veut bien que dans ce pays règnent un jour l´ordre et la prospérité, il faut cesser avec les mises en scène. La vérité est que celui des responsables qui oserait ne pas se soumettre au système en place est littéralement broyé. Dans sa vie professionnelle tout autant que dans sa vie tout court. Aujourd´hui, beaucoup de responsables impliqués peu ou prou dans des affaires devant la justice ne comprennent plus rien. Ne savent plus que dire. Ils ont l´impression que «le contexte de l´époque» a changé sans voir réellement le changement. Certains font le dos rond, encaissent en pensant que ce n´est qu´un mauvais moment à passer et que tout rentrera dans «l´ordre» dans pas très longtemps. Très peu gardent en mémoire une quelconque relation avec ce qui leur arrive et la réforme des structures de l´Etat. En fait, tout est là. Le système que nous pouvons appeler dorénavant «contexte de l´époque» ne laissera passer aucune réforme. Et si la volonté politique de faire passer les réformes est forte, alors il lui faudra parvenir d´abord à balayer le système. Pardon le «contexte de l´époque»! ([email protected])