Hier, un journal célébrait le cinquantième anniversaire du sacrifice suprême d´un fils de l´Algérie. Il ne s´agit pas de n´importe qui, puisqu´il est issu d´une communauté dont la plupart des membres ont été trompés par le discours des gros colons et par ceux qui voulaient faire durer, au détriment des Algériens, l´idée de la grandeur d´une France qui avait cessé d´être grande à Diên Biên Phu. Il s´agit de Fernand Yveton, employé de l´EGA. D´origine européenne, il avait milité dans les rangs du Parti communiste algérien qui défendait alors les idées humanistes, sans tenir compte de l´origine, de la couleur, ni de la religion des opprimés qui représentaient alors la grande masse des Algériens. Mis à part la période épique de Ben Bella, quand les blessures étaient encore vives et le PCA encore actif, le souvenir de la participation des membres du PCA sombre peu à peu dans l´oubli avant d´être remplacé par les récits de fiction des faux moudjahidine qui ont défrayé la chronique depuis les révélations de M.Mellouk. Loin d´être habilité à juger qui que ce soit sur sa qualité de patriote, il est bon de rappeler que le discours baâthiste qui a prévalu depuis 1965 est responsable de ces fâcheux oublis qui ont fait que des hommes de qualité, dont la participation à la lutte de libération, ne laisse aucun doute, ne figurent pas dans l´imaginaire d´une génération qui n´a pas connu la guerre. Et dire qu´il faut beaucoup plus de courage à un homme de prendre les armes contre la communauté dont il est issu que de faire corps avec elle. Et c´est pour cela que la mémoire des Maillot, Labran, Audin, Yveton, Alleg et autres anonymes, qui ont exprimé leur solidarité avec leurs frères aussi bien dans les usines que dans les maquis, doit être préservée par ceux qui ont la difficile tâche de léguer aux générations montantes la fidèle image de ce que fut le combat libérateur. Les sacrifices des cellules d´El Biar avec les Guerroudj et Danielle Minn, ou de Clos-Salembier ont longtemps occupé les premières pages de la Dépêche quotidienne et de l´Echo d´Alger. La culture des archives doit les sauver d´un oubli injuste. Heureusement qu´il y a encore des hommes comme Jean-Pierre Lliedo pour retracer le chemin de croix que fut le parcours de ces hommes généreux dont le rêve était de faire de l´Algérie un pays de paix et de fraternité. Heureusement qu´il y a encore des hommes de culture qui se dérangent encore (ils ne sont pas nombreux) pour venir immortaliser le souvenir de ces hommes qui n´avaient pas nos prénoms mais qui répondaient à celui de l´Algérie. Celle des pauvres.