Les séquelles du système colonial français sont toujours vives. Ses injustices font toujours mal aux Algériens. A chaque évocation de l'une de ces milliers de victimes, des larmes chaudes sont versées. C'était le cas lors d'une conférence-débat organisée hier à l'université des sciences humaines de Bouzaréah (Alger), en hommage à Fernand Yveton, le seul Algérien d'origine européenne guillotiné par l'armée française en février 1957, à la prison Serkadji. En effet, le parcours de ce héros engagé pour la libération de l'Algérie a été retracé avec beaucoup d'émotion. Animée par l'un de ses avocats à l'époque, Albert Smadja, François Marini, et Mohamed El Korso, cette conférence a été une nouvelle occasion pour rappeler la flagrante injustice dont a été victime Fernand Yveton. « La condamnation à mort puis l'exécution de Yveton était une tragédie judiciaire parce qu'il n'avait tué personne. Il a été condamné pour tentative de pose d'une bombe », affirme François Marini, qui prépare un livre sur Fernand Yveton. Albert Smadja abonde dans le même sens. « Son exécution n'était pas un acte judiciaire, mais un acte politique », insiste-t-il. Et de préciser : « Le gouvernement français voulait faire croire à l'opinion internationale que les communistes, puisque Yveton en était un, étaient derrière la révolution algérienne. Ce qui n'était pas vrai, d'autant plus que le parti communiste algérien avait autorisé ses militants à adhérer directement au FLN et l'attentat auquel devait assister Fernand Yveton était préparé par des responsables de ce dernier. » Retraçant les conditions dans lesquelles s'est déroulé le procès de ce martyr, Albert Smadja souligne le caractère expéditif du jugement. Même si, précise-t-il, le procès « ressemblait dans la forme à un procès ordinaire ». « Yveton avait dit tout ce qu'il avait à dire et a été écouté. Mais quand la sentence a été prononcée, la salle avait applaudi », explique-t-il. « Des zones d'ombre » Prenant la parole au début de la conférence, l'historien et universitaire, Mohamed El Korso, note l'existence de « zones d'ombre » dans certains chapitres de l'histoire de la guerre de Libération nationale. « Certains sujets qui concernent la guerre de Libération nationale ou le mouvement national contiennent encore des zones d'ombre, notamment ceux en rapport avec la contribution des Européens à la lutte, aux côtés du peuple algérien, contre la colonisation française », lance-t-il, en appelant les historiens à ne pas avoir peur de l'histoire de leur pays. Pour l'historien, le rôle des Européens dans la Révolution algérienne n'est pas abordé suffisamment par les historiens en termes d'écriture. « Il s'agit là d'une autocensure, dont l'origine est principalement liée à un manque de clairvoyance et d'objectivité », dit-il. Les débats autour du sujet étaient riches. Des amis et des proches de Fernand Yveton ont tous donné leurs témoignages. La conférence a eu lieu en présence du frère du chahid, Louis Yveton et son épouse.