L´Entv vient de signer un accord avec l´INA pour la récupération du fonds d´archives télévisées d´avant-1962. Voilà une nouvelle qui va ravir ceux qui aiment tout ce qui est archives et qui se font un sang d´encre à propos du patrimoine national, particulièrement en ce qui concerne les archives filmiques dispersées dans les diverses institutions du pays ou oubliées dans des entrepôts chauds, froids et humides, se désagrégeant petit à petit...Vous me direz: «Encore un accord!», car les effets d´une bonne gestion des archives filmiques ne se feront sentir que bien des années après la récupération et la mise en place et en route d´une nouvelle infrastructure efficace et efficiente. Mais en attendant ce jour heureux, où n´importe quel réalisateur ou chercheur n´aura qu´à appuyer sur une touche (après avoir, bien entendu, surmonté toutes les embûches bureaucratiques et les suspicions d´une censure pointilleuse qui tient à ce que certaines séquences ne tombent pas entre des mains plus ou moins malintentionnées), pour avoir les images désirées, il est bon de se poser des questions sur l´état du fonds d´archives filmiques légué par l´infâme colonialisme. Il faudrait essayer de suivre les péripéties, l´odyssée, les mésaventures et les avatars qu´a connus ce fonds précieux qui porte un témoignage certain sur les nombreuses facettes de la réalité algérienne d´avant-1962. Evidemment, ces archives ont été filmées par l´occupant (puisque Abane Ramdane, qui avait embauché René Vautier pour filmer l´autre face de la réalité, disparut dans un traquenard...) et ont pu être sujettes à bien des manipulations et trucages, mais elles demeurent toujours, faute d´alternative, exploitables comme documents de référence. Il faut se rappeler que la télévision en Algérie était devenue un besoin urgent pour la communauté d´origine européenne qui suivait de près le mode de vie de la métropole. C´est pour cette raison qu´au début des années 50, une importante infrastructure de production télévisuelle fut installée aux Eucalyptus (à l´endroit même où les terroristes intégristes déposèrent une bombe durant les années de tragédie nationale...) comprenant des studios de tournage, un laboratoire de développement de films, des salles de montage, un atelier de décors, enfin tout ce qu´il faut pour réaliser des émissions pour la future télévision, dont la première pierre fut posée en grande fanfare au 2, boulevard Bru, en face du Saint-Georges, en présence de toute la crème des personnages officiels. Les techniciens français recrutés en métropole ou parmi les autochtones allaient servir d´encadrement, tandis que de jeunes Algériens seront appelés pour apprendre un métier auquel ils n´avaient pas accès auparavant. Des réalisateurs radio comme Mustapha Badie, ou un employé municipal comme Mustapha Gribi furent débauchés avec bonheur et allaient ouvrir les portes à toute une pléiade de jeunes réalisateurs et techniciens d´origine algérienne qui feront la télévision de l´Indépendance. C´est ainsi que vont débuter les premiers tournages de sketches et de variétés qui alimenteront la nouvelle chaîne de la RTF à partir du 24 décembre 1956. La soirée inaugurale, qui est une veille de Noël, se fera en grande pompe et sera rehaussée par la présence du gratin que compte le music-hall français de l´époque, dont les Frères Jacques. Il ne reste rien, pas une trace de cette mémorable soirée dans les archives filmiques de l´Entv, héritière de la RTA et de la RTF. Comment cela se fait-il? [email protected]