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Le poète a toujours raison...
Publié dans L'Expression le 28 - 10 - 2007

Le poète, tel qu´il est défini par les dictionnaires, est celui qui écrit de la poésie. Il possède l´art de combiner les mots, les sonorités, les rythmes. Il façonne des images audacieuses, utilisent des métaphores et les techniques de la rime.
Enfin, il maîtrise l´art de la formule lapidaire, brève et concise qui touche le coeur plus qu´un long discours. Pour d´autres, enfin, c´est celui qui possède son univers propre, plus à l´aise dans les nuages tel L´Albatros de Baudelaire, que sur le plancher des vaches.
Pour d´autres enfin, c´est «celui qui voit plus loin que l´horizon», celui qui a la prescience. A l´origine, la poésie fut créée pour être chantée et c´est la raison pour laquelle la chanson puise ses techniques, son inspiration, ses thèmes dans la poésie. Et c´est aussi pour cela que, faute de poésie, la chanson demeure la compagne d´une vie pour beaucoup de gens. Les chansons servent de repères historiques pour chaque événement et elles sont souvent le levier de la mémoire. Selon la sensibilité de chacun, le répertoire diffère: de la chanson à l´eau de rose jusqu´à la chanson engagée, elles demeurent un référent culturel important.
C´est pour cette raison que souvent, la poésie tout comme la chanson peuvent illustrer fort à propos des événements très éloignés du contexte de la chanson proprement dite.
Tenons, par exemple, la décision de Sarkozy de faire lire la lettre de Guy Môcquet dans tous les lycées de France: c´est ce que Jean Ferrat, dans son inoubliable chanson Ma France a appelé «usurpation de prestige».
Cet art de voler la gloire des autres est une pratique courante et, il n´est pas rare que les hommes de la droite volent à la gauche son héroïsme passé.
Il n´est pas nécessaire de revenir sur le geste de la Résistance française dans les maquis de France, pendant qu´une partie de la droite collaborait honteusement avec l´occupant allemand, tandis que l´autre préparait son avenir politique dans les salons londoniens. M. Le Pen ne manquera pas de relever «le courage» des «résistants londoniens», ceux qui condamneront plus tard René Vautier, le plus jeune résistant décoré de France, grâce à une loi...de Vichy. Cette imposture qui consiste à récupérer la gloire des autres n´est hélas pas l´apanage du pouvoir français: on a assisté ici, en Algérie, à la grande mise en scène qui fut organisée par un régime en quête de légitimité.
C´était le rapatriement des cendres du prestigieux chef d´Etat qui était l´Emir Abd El Kader. Mais, à côté, combien de héros ont été réduits au silence, confinés dans d´obscurs coins de la mémoire, interdits de presse, de radio et de télé, de manuels scolaires...? Jean Ferrat avait trouvé le mot juste: usurpation de prestige. Il avait dit ensuite: «Le sang sèche vite en entrant dans l´Histoire...»


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