Ne rigolez pas. Ce n´est pas le titre d´une chanson mais une prière de Maître Aït Boudjemaâ. Du haut de ses cent-quatre-vingts centimètres, l´élégant défenseur de Boufarik avait atterri à Saïd Hamdine où s´élève le tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d´Alger) en effectuant une petite tournée du côté de la pharmacie «Bouaziz», au café, au taxiphone discutant avec Maître Kamel Maâchou, Maître Khamis Zeraïya, Maître Mostefa Boudiaf, Maître Khadidja Meslem qui lui avait donné des nouvelles de son bébé Naël qui vient de boucler ses six premiers mois en ce bas monde de 2009, ce onze janvier. La tournée de l´avocat avait un objet précis, nous ne le saurons qu´au cours de sa fringante et rafraîchissante intervention d´un détenu poursuivi pour conduite en état d´ivresse, fait prévu et puni par l´article 67 de l´ordonnance 01/14/2004. Abdelghani S. vingt-neuf ans tout rond, avait été surpris revenant de Zéralda, éméché un peu trop tout de même car le taux trouvé dans le sang aura été de plus de seize fois la normale!!! Et ce détenu est un maçon. Et ce n´est pas n´importe quel maçon! C´est celui du défenseur du jour. Et c´est là que Maître Omar Aït Boudjemaâ Abdenour allait soulever l´hilarité générale en apprenant à Sihem Bechiri, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Bir Mourad Raïs (cour d´Alger), que son arrivée vers les huit heures du matin avait été préparée en vue de s´informer sur les qualités de cette juge: «On ne m´a dit que du bien de vous, en plus des propos élogieux parcourus de temps à autre sur nos quotidiens. Et c´est pour cela que je ne vais tout de même pas jouer à l´hypocrite en vous apprenant que depuis que ma fille Narimane est devenue Maître Narimane Aït Boudjemaâ et a enfilé la robe noire, j´ai décidé de ne plaider que dans la cour de Blida avec ses neuf tribunaux. Et si j´ai effectué le déplacement ce dimanche à Bir Mourad Raïs, c´est qu´hier soir, on est venu m´informer que mon maçon qui venait d´honorer "Bacchus" était en taule et qu´il allait comparaître le lendemain», a sifflé l´avocat qui s´est aperçu du regard malicieux de la présidente qui avait fini par cracher une phrase digne d´une juge sur ses gardes: «Maître, vous ne voyez pas d´inconvénient, le tribunal va vous souffler que nous comprenons fort bien votre intention. Allez-y. Faites votre boulot. Le tribunal fera le sien, preuves à l´appui, l´aveu venant en renfort pour le verdict», dit Bechiri. Maître Lamine Boukhedir, assis aux côtés de Maître Mohsen Amara, suit cette brillante plaidoirie et il y avait de quoi. Le défenseur de Boufarik avait enfoncé le clou en plaisantant autour de la capacité de «son» maçon à se taper une cuite, à prendre le volant et à se faire coincer au mauvais moment, au malvenu endroit: «Je suis sidéré madame la présidente en restant de même stoïque devant ce petit malheur qui aura vu ce chantier local de l´avocat à l´arrêt à cause du jus de...raisin fermenté et pris d´une manière peu cavalière qui peut faire croire à un abandon de...» chantier. Maître Aït Boudjemaâ sourit grandement et balance: «C´est mon maçon et je prie l´honorable tribunal d´infliger la peine la plus lourde pourvu que mon maçon retienne la leçon et reprenne sa truelle en vue de délivrer le chantier et sa conscience. Mourad Hellal, le débonnaire représentant du ministère public qui avait requis une peine de prison de six mois ferme, d´une amende et du retrait de permis de conduire pour une période de six mois ferme.» Et Hellal était débonnaire seulement pour ce procès car il a été visiblement touché par cette histoire d´avocat au chantier à l´arrêt et ne voulait pas enfreindre la loi en demandant la relaxe. Jamais, il ne l´a pas fait et il n´a demandé que ce que la loi a balisé. Un léger sourire sympa avait accompagné les demandes. Après quoi, lorsque Maître Aït Boudjemaâ avait pris la précaution de s´avancer de la barre pour défendre son client, il avait «fabriqué» son plus large sourire comme pour remercier le jeune procureur de sa compassion qui ne dit pas son nom. Pour sa part, Bechiri qui était dans son bon jour, avait suivi de son regard envoûtant, un regard qui ne laisse rien passer durant les débats, la belle intervention du conseil qui sera ravi lorsque la magistrate prendra ses responsabilités sur le siège en infligeant un mois de prison assorti du sursis et trois mois ferme de retrait de permis de conduire avec cette utile recommandation: «Abdelghani, reprenez votre boulot dès demain. Votre "client" mérite une fleur pour la prouesse qu´il vient de réussir» ironise presque la présidente, une large mèche rebelle sur le front à peine dégagé sur la tête d´une femme qui sait s´y prendre, à croire qu´elle avait été mise au monde pour être arbitre, juge et jamais partie... L´avocat accompagne du regard son client qui venait de réaliser qu´il allait enfin retrouver les siens dans la ville des agrumes et certainement son avocat et son petit chantier. Maître Abdenour Omar Aït Boudjemaâ, lui, ôte sa robe noire, quitte la salle d´audience, Saïd Hamdine pour Boufarik via la «côte de Bir Mourad Raïs» où une infernale circulation routière sévit comme tous les jours dans Alger et ses alentours, ce qui ôte cette joie de bosser et surtout de prendre des routes engorgées et gênantes, le temps d´une traversée pénible, pénible, pénible...Dans la salle d´audience, Siham Bechiri, elle, avait pris une sage décision en prenant dix minutes de répit, de repos et tout, et tout...L´avocat de Boufarik, quant à lui, avait pris la résolution de s´attaquer au bouchon de la bretelle infernale «Saïd Hamdine». La côte de Bir Mourad Raïs en direction de la ville des Roses où il va devoir affronter Fatiha Brahimi. Oh! la, la..