L'islamisme armé gagne du terrain en Arabie Saoudite et la guerre américaine contre l'Irak l'a renforcé. On en connaît maintenant un peu plus sur le déroulement et les circonstances du triple attentat sanglant qui a visé avant-hier la capitale saoudienne Ryadh. Ces attaques-suicide à la voiture piégée qui ont fait plus de 90 morts et près de 200 blessés de sources américaines et seulement 34 victimes, selon les autorités saoudiennes ont été menées comme de véritables opérations commando a indiqué un haut responsable secrétaire d'Etat U.S, Colin Powell. Ainsi selon ce haut responsable américain, la neutralisation du poste de sécurité à l'entrée de l'un des sites, le complexe résidentiel abritant des employés de la société américaine Vinnell, chargée de former les éléments de la Garde nationale saoudienne, n'a pas pris plus de «trente secondes à une minute». Les assaillants à bord d'un véhicule auraient d'abord commencé par tuer ou blesser les gardes de sécurité qui se tenaient pourtant dans un véhicule équipé d'une mitrailleuse, aux abords du bâtiment. Ils se sont par la suite emparés du poste de garde, d'où ils ont pu activer les systèmes d'ouverture des grilles du site, permettant alors à un grand véhicule utilitaire chargé d'explosifs de pénétrer dans les lieux et de se placer de telle façon pour maximiser les dégâts provoqués par l'effet de souffle de l'explosion. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard que le chef de la diplomatie américaine, lors de son inspection des sites des attaques, a parlé «d'un attentat terroriste très bien préparé», ajoutant que «le site avait été à l'évidence bien repéré comme les autres». Pourtant, dès le début du mois, pratiquement tous les services de renseignements occidentaux et à leur tête ceux de Washington savaient qu'une action de ce genre était en préparation. En outre, il y a quelques jours un soi-disant groupe se présentant comme appartenant au réseau d'Al-Qaîda avait clairement annoncé que ses éléments allaient passer à l'action. Mais ni les services de sécurité saoudiens ni les renseignements américains n'avaient rien pu faire pour prévoir le lieu de l'attentat et encore moins pour le déjouer. Il est vrai, que lors de l'annonce de son programme d'action pour le futur, ce groupe a laissé entendre que la maison-mère, la nébuleuse Al-Qaîda, s'est redéployée tant au niveau de son encadrement que de sa stratégie de combat arguant même avoir une longueur d'avance sur ses adversaires. D'ailleurs, les experts en la matière retiennent au lendemain de ces attentats de Ryadh qu'en dépit des coups durs portés par Washington au réseau d'Oussama Ben Laden, son organisation a réussi à reconstituer des bases-arrière opérationnelles dans des zones d'instabilité et continue de représenter une menace d'autant plus dangereuse qu'elle semble maîtriser les moyens les plus modernes de la guerre électronique. Avec la fin de la guerre américaine contre l'Irak, l'Arabie Saoudite, qui, depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, est de plus en plus mal vue par certains milieux américains - et il va de soi objet d'instabilité intérieure - pourrait se trouver désormais en première ligne de la bataille souterraine que se livrent Américains et ceux qualifiés de terroristes. Conforté par la condamnation internationale quasi unanime de ces attaques et notamment celle de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) qui les a qualifiés de «crime abject contraire aux enseignements de l'Islam», et par le soutien apparent de l'Administration Bush, Ryadh a clamé sa détermination à combattre le réseau Al-Qaîda. Néanmoins, si la volonté en ce sens de la famille régnante ne fait pas de doute, les observateurs s'interrogent cependant sur ses capacités, qui, au mieux sont limitées, au pire sont prises en otage par toutes les contradictions et clivages qui rongent ce pays, qui a un pied dans le moyen-âge et un autre dans la modernité la plus évoluée.