Plus de 90 morts dans les trois attentats ayant ciblé hier les complexes touristiques saoudiens. De prime abord, la question qui se pose est bien de savoir pourquoi l'Arabie Saoudite? Pourquoi maintenant? En ciblant les complexes touristiques, notamment celui d'El-Hamra, fréquentés par les Occidentaux et de nombreux Américains travaillant et résidents dans le royaume saoudite, Al-Qaîda a, de toute évidence, choisi de frapper fort, prenant sans doute un certain ascendant psychologique sur son éternel ennemi américain. Al-Qaîda, qui a implicitement revendiqué les attentats meurtriers de Ryadh, semble s'être assigné un double, voire triple, objectif qui peut être celui d'affirmer que l'organisation est toujours vivante et debout - plus forte que jamais à l'évidence prête à frapper et pouvant frapper où et quand elle veut - montrer aux Etats-Unis, qu'en dépit des traques, des arrestations de ses dirigeants et de ses miliciens - dont nombre d'entre eux actuellement emprisonnés à Guantanamo - l'organisation garde encore toute sa pugnacité et capacités de nuisance ; enfin servir d'avertissement sérieux à l'Arabie Saoudite, qui a hébergé - et héberge encore - des marines américains stationnés dans le pays depuis la guerre de Golfe de 1991. Le nombre des morts (91, chiffre appelé sans doute à gonfler), celui des blessés (près de 200), le nombre des kamikazes ayant pris part à l'opération - neuf selon les premières indications des services de sécurité saoudiens - indique l'envergure des moyens mis à contribution, de même que la maîtrise des terroristes qui ont agi en professionnels. La minutie avec laquelle les attentats ont été organisés, le timing avec lequel ils ont été déclenchés montrent, à tout le moins, que la nébuleuse terroriste Al-Qaîda a dépassé les séquelles de l'après-11 septembre 2001 et est de nouveau opérationnelle. C'est du moins le premier message qu'il convient sans doute de retenir du triple attentat de Ryadh. D'autant plus que cet attentat survient quasiment au lendemain de l'installation à Bagdad de l'administrateur en chef américain de l'Irak, Paul Bremer. Cet attentat anti-américain dans lequel au moins 11 Américains ont trouvé la mort (selon les derniers bilans alors que plus de 44 autres portent des blessures plus ou moins graves) relativise les efforts de la lutte consentie contre le terrorisme, lutte largement déviée par la focalisation que fit Washington sur l'Irak. Focalisation qui s'est traduite par la guerre et la chute de Saddam Hussein. Durant ces mois où l'attention de la communauté internationale était braquée sur l'Irak, l'organisation d'Oussama Ben Laden, Al-Qaîda, a pu mettre à profit pour se restructurer, et sans doute mieux s'adapter aux nouvelles conditions imposées par l'environnement international plus vigilant et moins enclin au laxisme qui fit le lit du terrorisme international. Demeure toutefois la question pourquoi l'Arabie Saoudite? Un pays, plus ou moins dans le collimateur de Washington qui l'accuse d'avoir montré peu d'entrain dans la lutte antiterroriste, au moment où Ryadh prenait des distances par rapport à son allié américain, notamment dans la crise irakienne. De fait, l'Arabie Saoudite a été la rare monarchie du Golfe à ne s'être pas inclinée devant le diktat américain et à n'avoir pas ouvert ses frontières aux marines américains en guerre contre l'Irak. Reste, certes, l'opportunité de frapper un grand coup que la fin de règne à Ryadh la récente annonce de Washington de retirer ses derniers soldats stationnés dans ce pays ont concouru à faire de l'Arabie Saoudite un objectif de première grandeur et celui susceptible de marquer le plus les esprits. Ce qui est effectivement le cas, et l'émotion est aussi grande que l'horreur induite par les attentats. Il est indéniable cependant que ces attentats s'adressent avant tout aux Américains avec lesquels Al-Qaîda semble avoir pris date.