«La pensée a des ailes. Nul ne peut arrêter son envol.» Youssef Chahine, dialogue du film Le Destin Au moment où l´on évoquait la tenue dans les temps du Festival du film arabe d´Oran, on a appris que les sociétaires de la fameuse Biennale des cinémas arabes se sont constitués en nouveau mouvement: l´Association du cinéma euro-arabe (Acea) et cela pour relancer le premier festival qui avait lancé le cinéma arabe dans l´Hexagone et surtout en Europe: la Biennale des cinémas arabes. L´association est présidée par l´ex-déléguée générale de cette Biennale à Paris de 1992 à 2006, Magda Wassef. Créée dans les années 90 dans le cadre des activités de l´Institut du monde arabe à Paris, la Biennale des cinémas arabes était l´une des activités les plus importantes de l´IMA avant qu´elle ne soit suspendue en 2006, date de sa dernière édition par le président de l´IMA, Dominique Baudis, sous prétexte financier. Mais les raisons exactes de cette dissolution n´ont jamais été révélées, car en réalité la Biennale des cinémas arabes a été stoppée par certains milieux proches du lobby israélien, et cela pour arrêter la projection, la diffusion et la promotion d´un cinéma arabe hostile à Israël et proche des mouvements révolutionnaires libanais et des Palestiniens. Dans un premier temps, Magda Wassef, qui était également chargée du département cinéma à l´IMA, avait convaincu les responsables français, et notamment les Affaires étrangères françaises et de la Francophonie, de lancer une biennale (tous les deux ans) entre les Journées cinématographiques de Carthage, qui était également une biennale, et cela en faisant la promotion des cinémas maghrébins et plus particulièrement les cinémas algérien et tunisien qui avaient déjà un cinéma de renommée mondiale grâce aux oeuvres de Mohamed Lakhdar Hamina (Algérie) ou de Farid Boughedir (Tunisie). C´étaient également l´occasion de faire la promotion du cinéma égyptien, dont était originaire Magda Wassef. C´est ainsi que tous les films de Youssef Chahine sont passés au crible par l´IMA. Mais avec le conflit au Proche-Orient, la Biennale des cinémas arabes était devenue peu à peu le terrain d´expression des anti-Israéliens de tous bords: réalisateurs palestiniens en exil, comme Michel Khelifi, des cinéastes libanais installés à Paris, comme Borhane Alaoui, auteur du fameux film Kafr Kassem, mais également une nouvelle génération de jeunes réalisateurs libanais, syriens et jordaniens qui ont tous une histoire anti-israélienne dans la sacoche. La Biennale des cinémas arabes était devenue le seul espace d´expression pour l´élite culturelle arabe à Paris. Ces manifestations cinématographiques n´étaient pourtant pas couvertes par les médias français. Seul l´actuel ministre français de la Culture, Fréderic Mitterrand, lui a consacré quelques émissions sur France2. D´ailleurs, seuls les médias publics français couvraient les activités de cette biennale, France Télévision et RFI. Les autres médias, comme Canal+, M6 et surtout TF1 boycottaient cette manifestation culturelle arabe taxée d´antisémite par certains organes de presse français. Et même toutes les stars du cinéma français, même ceux d´origine arabe, boycottaient cette manifestation organisée au coeur de leur capitale. Mais cette dynamique culturelle arabe a eu pour mérite de lancer des initiatives de ce genre dans d´autres pays, comme à Bruxelles, Rotterdam, San Francisco, Genève et Madrid, et surtout de perpétuer l´image de ce cinéma arabe révolté et écorché vif. [email protected]