«Toute révolution qui n´est pas accomplie dans les moeurs et dans les idées échoue.» François René de Chateaubriand Extrait de L´ Essai historique, politique et moral sur les révolutions anciennes et modernes. C´est officiel, le film Benboulaïd n´ira pas au Festival international du film arabe d´Oran. Le ministère des Moudjahidine en a décidé. Il a décidé de mettre les cinq copies 35mm du film dans un placard, loin des yeux et des coeurs des Algériens et surtout loin des regards de nos invités arabes qui ne connaissent presque rien de notre cinéma. Le film le plus cher de l´histoire du cinéma algérien n´a été vu que par les moudjahidine et les fonctionnaires du ministère à El Mougar et au Cercle militaire de Beni Messous. Le public cinéphile algérien n´a pas pu découvrir cette oeuvre à la fois unique et controversée. Pourquoi un ministère, censé défendre l´image de ses moudjahidine, n´autorise pas la diffusion de ce film? A-t-il été influencé par les articles de la presse qui confond ce film avec celui de Khaled Youcef Doukan Chahata? Qui est spécialiste du cinéma au ministère des Moudjahidine pour apporter des arguments valables? De plus, le seul habilité à interdire la diffusion ou l´exploitation d´un film c´est bien le département de Khalida Toumi. D´ailleurs, une grande moudjahida, Zohra Drif, est membre de la commission de visionnage des films au ministère de la Culture. Et c´est cette commission qui a interdit l´exploitation du film Ennemi intime de Florent Siri, considérant que le film portait atteinte à l´image de la Révolution. C´est cette même commission qui a demandé à Costa Gavras de supprimer des passages dans le scénario de Mon Colonel avant d´accorder le O.K. pour son tournage à Sétif. Qu´est-ce qu´on reproche au film Benboulaid? Il est tout de même aberrant de voir qu´un ministère se présente comme le propriétaire exclusif d´un film et le laisse mourir dans un tiroir ou un coffre. Même dans les pays les plus autoritaires, les films sur la Révolution sont protégés par la conscience collective et pas par l´entêtement de bureaucrates zélés qui restent sensibles aux critiques des journalistes d´une certaine presse. Même si le film n´a pas une grande chance de décrocher un prix, hormis celui du meilleur comédien et du second rôle pour Slimane Benaïssa, le film Benboulaïd est avant tout un témoignage visuel et en couleur d´une époque en noir et blanc où le cinéma était un outil de communication internationale. Le ministère, le plus riche du gouvernement s´est vu offrir 23 milliards de centimes pour un film qu´il ne diffusera jamais. L´absence de communication, de stratégie visible du ministère, d´expert reconnu dans le domaine, fera abattre l´argument Haïfa Wahbi. Quand un ministère n´écoute même pas le réalisateur de l´oeuvre, on est en droit de penser que nous sommes face à une situation de total dilemme. En Chine, au Japon et surtout en Russie, des historiens et des experts en cinéma et audiovisuel sont associés pour faire la promotion de l´histoire et de ses figures emblématiques. Chez nous, le ministère des Moudajhidine a fait perdre à l´Algérie une occasion de gagner des prix ou éventuellement de rehausser son image dans le gotha déjà très fermé du cinéma arabe. Avec Mascarades en hors compétition, Benboulaïd écarté du Festival, il ne reste qu´un seul représentant capable de décocher un prix: Le Voyage d´Alger de Abdelkrim Behloul, pour présenter le cinéma algérien dans toute sa diversité. [email protected]