Perdre son époux est déjà en soi un coup du sort. Perdre sa santé est une catastrophe, mais sa liberté, ah! non... Radja Bouziani, la présidente de la section correctionnelle du tribunal d´El Harrach (cour d´Alger) est en voie d´emprunter le chemin de la réussite grâce à sa capacité de diriger les débats les plus rudes, souvent houleux. Il est vrai que tout magistrat qui entre à l´audience avec un mental aussi gros qu´un kiosque à fleurs, va jusqu´au bout de ses efforts pour réussir la journée. En ayant en face d´elle, Nacéra C. une inculpée de fausses déclarations, fait prévu et puni par l´article 228 du Code pénal, la juge du dimanche a su écouter cette employée condamnée par défaut pour fausses déclarations à la suite d´une plainte de la Cnas du coin. Ayant fait opposition au jugement où le mandat d´arrêt avait été, lui, mis, sous «mandat de dépôt», l´inculpée était soutenue par Maître Djamel Fodil, son conseil, lequel, du haut de ses cent quatre-vingts centimètres et son quintal et neuf kg, allait lourdement peser au cours des débats où il était apparu que l´inculpée avait été recrutée par une société privée en qualité d´employée. Elle y exercera excellemment jusqu´au jour où elle perdit son mari pour devenir une proie, seule face à tous les appétits et jalousies. Et pourtant, cette veuve qui entre dans le demi-siècle, n´a pas ce regard provocant qui attire les «regards» ou encore une fortune à bouffer en cas de...décès...Frustrant! Ayant contracté une grave maladie des reins, elle était arrivée jusqu´aux douloureuses et nombreuses séances d´hémodialyse! Carnet «tiers payant», médicaments à la pelle ont fait que cette malade veuve avait besoin beaucoup plus de gentillesse que d´animosité. Et à propos d´animosité, il s´est trouvé à la Cnas, un petit malin qui a commencé à chercher des «poux» dans le dossier de la veuve. Il allait confectionner un dossier cousu de fil blanc et...blond -épi d´or- dont les conséquences allaient être catastrophiques car le pénal avait fourré son nez jusqu´à arriver à une inculpation, dira plus tard, Maître Djamel Fodil, le défenseur de C. Nacéra, «bidon». Ali Mohammed Marich, le représentant du ministère public, d´habitude prompt aux répliques aux avocats, était plutôt tiède car il a dû sentir le «brûlé» dans ce dossier. S´il est vrai que le représentant de la partie civile avait tenté un coup de bluff en direction de l´inculpée à qui il avait été reproché de ne point exercer et de toucher un salaire et des avantages immérités. «Elle n´a ni fiche de paie puisque la société où elle prétend exercer n´existe pas. Et si elle existe, où est donc le bilan?», s´était exclamé l´avocat de la Caisse, que fixait avec un oeil rusé Maître Fodil qui attendait son tour pour une cinglante réplique qu´allait savourer Bouziani, cette juge attentive comme tout. Soulevant la paire de manches de sa robe noire toute neuve, l´avocat de Bellevue plongea dans le bassin de la plaidoirie pour condamner de suite l´injustice, la hogra tout en soulignant le fait qu´un jugement prononcé par défaut demeure par défaut et que seul le procès du jour est à prendre en considération. Répliquant aux allégations de la Cnas et regrettant que celui qui est derrière l´inculpée n´ait pas eu l´élégance de se déplacer à la barre, Maître Fodil balança: «On veut des preuves? On cherche à voir des documents? Qu´à cela ne tienne, madame la présidente, mais auparavant, je vous prie de prendre acte auprès du greffier les allégations de la partie civile.» «Mais, maître pourquoi donc cette prise d´acte?», dit entre les dents, Radja Bouziani, sûre de sa position de juge impartiale. «C´est pour la suite, madame la présidente, car nous n´allons pas nous arrêter à El Harrach!», avertit l´avocat. Faisant peut-être allusion à un «contre-vengeur» de la veuve qui a le droit de retrouver son honneur un moment éclaboussé par cet article 228 du Code pénal, le défenseur avait, pour peut-être épargner la présidente, que les documents remis par l´inculpée, l´avaient certainement guidée sur le sentier d´une juste sentence, averti les mauvaises gens prêts à sauter sur n´importe quel prétexte pour obtenir ce qu´elles n´avaient pu avoir en des périodes normales. «Avant et après tout, il y a l´oeil du Créateur en qui Nacéra s´accroche avec un désespoir né depuis le jour du lancement des poursuites; des poursuites qui n´auraient jamais dû exister.» Remerciant l´avocat, Radja Bouziani prend note du dernier mot de Nacéra qui avait demandé la relaxe et décide une petite mise en examen du dossier sous huitaine...Et le délibéré donnera une relaxe bien méritée ce qui rendra un demi-sourire à Nacéra, un demi-sourire car la maladie ne lui permettra jamais d´avoir un gros sourire...