Lorsqu´un avocat dégotte une bévue dans le dossier, il va droit à la barre, tenter de semer le doute. Radja Bouziani, la juge, écoute... Septembre 2010 tire à sa fin et Maître Benouadah Lamouri continue de faire son métier avec un peu plus d´ardeur que durant le mois de Ramadhan 1431, un mois qui l´a vu hiberner, le temps que Sire jeûne plie bagage pour ne revenir qu´en 1432 de l´Hégire! Et à El Harrach (cour d´Alger), Maître Lamouri était, dimanche, face à la joviale Radja Bouziani, la présidente de la section correctionnelle pour défendre un inculpé de tentative de vol, fait prévu et puni par l´article 350 (loi n°06-23 du 20 décembre 2006), tiré du chapitre III crimes et délits contre les biens. «Section une»: vols et extorsions qui prévoit la même peine que le délit commis, en l´occurrence, un emprisonnement de un an à cinq ans et d´une amende de cent mille à cinq cent mille dinars.». Cependant, Abderzak F. la vingtaine largement dépassée, nie le délit. Et lorsqu´un justiciable, qui constitue Maître Lamouri, cela devient un spectacle à la barre et nul ne peut plus amadouer l´avocat de Dar El Beïda qui met alors une carapace d´un fauve en liberté, affamé, à la recherche d´une proie de préférence vivante à se mettre sous les crocs. Et la proie en question est la police judiciaire qui a présenté l´inculpé sans rien. Maître Lamouri réussira à retenir l´attention de Bouziani qui n´est jamais prête à avaler des couleuvres, ni encore moins des vipères aux crocs acérés: «Madame la présidente, on vous ramène un jeune qui vient de sortir de l´adolescence et on vous raconte n´importe quoi. Si réellement il y a eu tentative de vol, où donc est la victime? Si tant est qu´il y ait une victime!», a dit, Maître Lamouri le front inondé d´une sueur froide par la faute de ce courant d´air qui perce la vaste salle d´audience d´El Harrach. Il faut dire aussi que l´inculpation telle que présentée n´aide franchement pas la présidente qui n´a pas devant elle les fameux témoins cités mais jamais entendus sur le procès-verbal lors de l´enquête préliminaire. Et encore les deux témoignages ne désignent nullement Abderzak F. l´inculpé qui, du coup, devient victime d´un malheureux concours de circonstance pour ce qui est de la tentative de vol. Généralement, les victimes se présentent le jour de l´audience pour réclamer le montant du préjudice. Or, ce dimanche, aucune victime ne se trouvait à la barre, ni dans la salle. D´ailleurs, en posant trois bonnes questions à son client, Maître Lamouri voulait sans aucun doute prouver au tribunal que Abderazak n´avait point de précédents: «Il est aussi propre que son casier. Franchement, nous nous demandons quelle mouche avait donc piqué les policiers qui ont interpellé mon client qui a couru au même titre que les jeunes qui avaient détalé à la seule vue de la voiture. «Radia!» avait laissé échapper le défenseur qui adore jouer aux défis lancés à la face des représentants du ministère public dont il connaît depuis longtemps la fameuse indivisibilité du siège, qui oblige un procureur assis sur le siège, suivre aveuglement le collègue qui a suivi les démarches avant l´inculpation. Et Maître Lamouri d´asséner, à toutes fins utiles, voulant certainement amener Radja Bouziani, la présidente sur son aire de jeu préférée, une aire d´où il lance: «Nous ne sommes pas sûrs que les enquêteurs se souviennent du délit, la pseudo-tentative de vol.» La magistrate cligne des yeux. Elle reprend le stylo. Elle griffonne quelques mots en langue arabe vu la «marche» de sa main droite sur le papier. A-t-elle été gagnée par le doute? Maître Lamouri a-t-il réussi son «panier-à-trois-points? Nous ne saurons vous le dire sauf qu´en décidant de mettre en examen le dossier, la juge a sagement décidé de jouer la patience, la vigilance car il est connu de cette juge sa passion de rendre justice ardemment sans haine ni rancune. Elle a un dossier. Elle le suit pas à pas jusqu´au verdict. Et rien que pour cela, l´avocate de Dar El Beïda a eu raison de marteler, d´asséner, de répéter, de rassurer, d´insister. «On ne sait jamais avec ce genre de dames-magistrates du siège», nous confie Maître Abdelkrim Bouderbal, l´avocat de Bordi El Kiffan qui attendait son tour.