Si Maître Zouina avait plaidé son propre dossier, il n´aurait jamais réalisé ce qu´il a fait pour Ramoul, son client, victime d´une méprise... Un inculpé-détenu-vidant le mandant d´arrêt lancé par le juge d´instruction et non confirmé à l´audience par la juge du siège a, devant lui, trois victimes. Chacune d´elles se plaignant individuellement contre Ahcène Ramoul qui a dû endurer les affres de la détention préventive. Son avocat, maître Chadli Zouina s´avance à la barre pour l´introduction de questions préjudicielles que la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Blida, suit avec un intérêt plus ou moins soutenu car, en règle générale, nos magistrats du siège évitent les «ennuis» que peuvent générer ces questions préjudicielles du moment qu´au fond, tout sera repris durant les débats, les plaidoiries et souvent durant la mise en examen. D´emblée, le défenseur lance sans sourciller à l´adresse du tribunal: «Madame la présidente, ce dossier est en lui-même plein d´anomalies, d´atteintes aux lois. Je dis même que tout le Code de procédure pénale se trouve être bafoué», a balancé le conseil qui dit ne pas comprendre que cette affaire a un inculpé d´émission de chèques (au pluriel) sans provision et...trois victimes et aucune d´entre elles n´a affaire avec l´autre. En sept mots, madame la présidente, on aurait dû avoir trois dossiers distincts car chaque victime a un chèque d´un certain montant délivré dans des circonstances autres, dans un lieu autre que celui ou ceux des deux autres victimes. Alors, pour préserver l´esprit d´indépendance du tribunal, nous demandons expressément que: premièrement, la défense avait présenté en introduction des questions préjudicielles pour violation des articles 526 bis alinéa II et 526 bis alinéa IV du Code commercial. Deuxièmement, il y a eu un mandat d´arrêt lancé par le juge d´instruction...Il y a eu un arrêt de renvoi et l´inculpé absent, a écopé par défaut, d´une peine de prison ferme et le juge du siège n´a pas confirmé le mandat d´arrêt lancé par le juge d´instruction et donc, le mandat d´arrêt devient caduc contrairement à la réplique du parquetier qui a fortement souligné que le mandat d´arrêt n´avait pas besoin forcément d´être confirmé par le magistrat du siège. (Denni, le procureur de l´audience, grimace car ligoté par l´indivisibilité du siège alors que Maître Chabi Benouaret, qui attendait son tour pour passer, avait donné raison à son cadet Maître Zouina pour ce qui est de l´analyse de l´avocat de Sidi Yahia. Troisièmement, nous faisons cas du Code de procédure pénale pour ce qui est de l´article 614 concernant la prescription de la peine prononcée en 1997 contre Ramoul le détenu et notifiée en 1999. -Treize ans, l´âge d´un collégien en pleins examens...s´était exclamé le défenseur qui était tout heureux que cette magnifique Naïma Lamraoui, la présidente de la section correctionnelle du tribunal de Blida, fut en bonne forme ce mardi et était donc prédisposée à écouter les parties en toute sérénité. Avant d´abandonner cette «sortie» à la barre, Maître Zouina a ajouté que le détenu endosse ce statut arbitrement: «Madame la présidente, nous avions relevé au passage, votre commentaire lancé au représentant du ministère public concernant la célérité de ces débats et vous l´aviez bien dit: il s´agit d´un inculpé détenu et donc qu´il ne fallait pas se perdre en débats stériles.» Il est vrai que la présidente, très tolérante ce mardi, avait montré des prédispositions à écouter longtemps Maître Zouina flanqué de l´élégante consoeur, l´intenable maître Ouahiba Dehidah et la jeune stagiaire Maître Ouardia Larbi, ce qui a donné au tableau une vue d´elle, d´une audience sereine, surtout que l´inculpé n´avait pas beaucoup intervenu sauf qu´au moment de dire le traditionnel dernier mot, il avait eu cette phrase qui a soulevé l´hilarité générale, y compris celle de l´ombrageux et néanmoins beau Denni, le jeune procureur: «Etudiez bien ce dossier!» Et la juge de répliquer avec un large sourire, malgré une mine défaite: «Ici, on ne s´amuse pas.» Et Lamraoui, la juge, de grimacer... Nous ne pouvons pas évoquer le verdict prononcé en fin d´audience sans dire deux mots sur l´intervention - brillante - au fond de l´avocat qui avait soulevé cette bizarrerie que le corps du délit (les chèques étant inexistants) n´y est pas et donc l´action publique n´a pas lieu d´être. «Par la force de la loi, Ramoul doit en principe passer cette nuit chez lui avec ses enfants et le procureur est libre de réquerir l´an ferme, le dernier mot restant à vous madame la présidente», a conclu le conseil qui allait accueillir le verdict relaxe pure et simple, ce qui constitue en soi une autre victoire de la justice, à mettre à l´actif de madame la présidente du jour. Avec un gros sourire, Maître Zouina avait tourné les talons, quitté le tribunal, Blida et la Mitidja pour Sidi Yahia, au tribunal de Bir Mourad Raïs où une autre affaire d´abus de confiance l´attendait pour une autre noble mission, celle d´honorer un contrat moral avec les justiciables.