La théorie de Maître Djediat est d´affirmer que son client n´a jamais mis les pieds dans un commissariat. C´est vrai, mais... Sur les sept dossiers mettant en cause des drogués ou des détendeurs de came, un nous a surpris par sa singularité: la personnalité du détenu sur lequel une quantité de drogue aurait été trouvée par les policiers en ronde sur une plage de l´ouest d´Alger. Et la singularité aura été que l´inculpé, qui n´a eu de cesse de crier son innocence, était assisté de pas moins de...trois avocats dont l´excellent Maître Mohammed Chergui, venu de la fière Tizi Ouzou. Et un initié des salles d´audiences, assis à nos côtés, de nous souffler son étonnement un peu plus tard lorsqu´un des trois avocats, en l´occurrence l´impérial Maître Mohammed Djediat qui avait plaidé gracieusement, avait évoqué le «malheureux démuni qui aura été victime d´une méprise». Naïma Dahmani, la précieuse présidente de la section correctionnelle du mardi dont la titulaire est un «juilletiste» en farniente, avait questionné avec beaucoup de pertinence le détenu sur le joint trouvé et ramassé par les policiers à proximité du jeune inculpé qui cachait visiblement une info... Même Zaïm, l´ombrageux représentant du ministère public, grâce à ses «oeillères» qui se trouvent être la fameuse et agaçante solidarité du siège qui veut souvent qu´une «chèvre vole!», a trouvé les mots qu´il faut pour réclamer une très lourde peine de prison ferme pour «détention et usage de drogue» dans un lieu public. Là aussi, de la tête, des lèvres et des épaules, Saïd R. dira: Non, je suis innocent. Ce joint n´était pas à moi. Il y avait beaucoup de jeunes dans les parages et chacun d´eux pouvait s´en débarrasser à la seule vue des agents de police en ronde de routine, surtout à ces heures où les jeunes se trouvent par petits groupes et s´adonnent à tous les jeux, même les plus attendus-interdits-défendus-illicites et menant au péché. Dahmani, la mine magnifique dans une salle bien fraîche par rapport au four et à la fournaise de Chéraga à douze heures, vingt deux minutes, reviendra avec beaucoup d´insistance auprès du détenu en vue de dégotter le plus petit des...aveux. Vainement, elle lancera son plus beau sourire à Maître Chargui qui allait tirer à vue sur les éléments de la police judiciaire qui ne font pas le bon boulot, ratant les vrais dealers et ramassant les pauvres bougres «Oui, c´est un pauvre bougre.» Madame la présidente. Saïd R., était assis, seul. Il ne s´adonnait à aucun délit. La voiture-radio arrive. Les policiers croient au flagrant délit en ramassant le joint jeté pas loin de l´inculpé. Or, dans les parages, se trouvaient beaucoup d´autres jeunes et l´un d´eux aurait pu avoir balancé le joint car il aura vu de loin les représentants de la loi arriver dans sa direction et donc «danger», a balancé l´avocat de Tizi Ouzou qui a eu droit à un sourire franc de la magistrate comme pour le saluer d´avoir fait court. Maître Lamia Khadraoui est la deuxième intervenante en faveur de Saïd R., pour rappeler qu´il avait été fouillé et n´ont rien trouvé sur lui. «Il y a plus qu´un doute. Notre client n´a eu de cesse de nier. Pourquoi le tribunal ne le croit pas, d´autant plus que ce n´est pas un habitué à la sniff!», a articulé la jeune avocate du cabinet de Maître Mouloud Bennaceuf, membre du Conseil de l´ordre d´Alger qui se retirera avec beaucoup d´élégance pour permettre à Maître Mohammed Djediat, le dernier plaidoyer qui va expédier un gros sourire «masqué» d´une grimace dont il a seul le secret avant de manifester son mécontement autour de ce dossier «qui n´en est pas un, car nous avons un procès-verbal qui met en cause notre client au casier vierge et qui n´a jamais mis les pieds dans un commissariat.» Puis, l´avocat de la rue Patrice Lumumba s´avance à deux mètres du pupitre de la présidente, regarde bien en face Naïma Dahmani la juge avant de balancer sans grimacer, cette fois: «Madame la présidente, il y a un phénomène que la raison, ne peut avaler, ni accepter, ni même suivre! C´est le fait qu´en ce mois de juillet 2010, en pleines vacances, en pleine période de congés divers, nos plages grouillent de monde. N´importe qui aurait pu balancer le joint à proximité de Saïd.R., et pour reprendre mon collègue de Tizi, Maître Chargui, il avait été fouillé. Cela n´a rien donné, alors ils l´ont accusé d´avoir entre les phalanges le joint trouvé dans et sur le sable mouillé». a articulé le défenseur qui a alors abordé la personnalité du détenu. «C´est un démuni. Il n´a même pas de quoi manger, selon son oncle venu nous constituer» a conclu le conseil qui a lui aussi évoqué le doute et demandé, comme Maître Chabha et Maître Khadraoui Lamia, la relaxe, l´unique verdict, car il n´y a aucun délit ni infraction. Le dernier mot de Saïd. R, aura été: «Innocent-relaxez-moi, SVP» Dahmani referme la chemise, bat des cils et annonce la mise en examen du dossier. Deux heures plus tard, la présidente inflige un deux mois ferme, car si Maître Djediat avait assuré qu´il n´a jamais mis les pieds dans un commissariat, la juge, elle, avait, sous les yeux une récidive et c´était les gendarmes qui l´avaient coincé il y a moins de dix-huit mois. Disons que Saïd.R., s´en est bien sorti car Zaïm, le procureur en avait réclamé six fois plus, soit un an de prison ferme pour usage de drogue, oui, c´était bien payé...