«Ya cheikh, je crois qu´on n´est pas venu ici pour asséner des cours d´éducation religieuse, mon père El Hadj Aamar, Allah Idekrou bel Kheir, s´en est bien chargé...» Saïd Sadi s´adressant à Abassi Madani en 1991 «L´ouverture de l´audiovisuel en Algérie est sujet à débat mais il faut savoir que le premier parti politique à avoir déposé son dossier pour créer une chaîne de télévision privée, c´est le parti dissous du FIS en 1991 déjà». Cette déclaration émane d´un haut responsable toujours en exercice et en charge du dossier de l´audiovisuel en Algérie. Imaginons un seul instant si le parti dissous avait réussi à créer sa chaîne de télévision, quel serait le résultat aujourd´hui. Son audience aurait été indéniable, si on l´avait comparé avec le succès de son journal El Mounqid, qui avait, à l´époque, battu tous les records de vente toute presse confondue. Et s´il avait créé une chaîne en 1991, il aurait révolutionné le champ audiovisuel arabe, avant même la création de la chaîne saoudienne de Londres MBC. Déjà les passages du leader du FIS, Abassi Madani, à la télévision d´Etat, l´Entv, étaient très suivis par les téléspectateurs algériens mais aussi marocains et tunisiens. Et si on venait à faire un sondage du taux d´audience de la première émission démocratique du monde arabe en 1990, Llika maa sahafa (face à la presse) animée par Mourad Chebine, qui recevait le chef du FIS dissous Abassi Madani, et le président du RCD Saïd Sadi, on aurait constaté que presque 100% des 28 millions d´Algériens de l´époque regardaient à ce moment-là l´Entv. Ce jour-là, le face-à-face entre deux chefs de parti aux idéologies diamétralement opposées a créé le débat. On se souvient, notamment des diatribes du Dr Saïd Sadi, qui a étalé tout son savoir-faire linguistique, pour haranguer le cheikh. Sadi a eu cette fameuse phrase: «Nous n´acceptons pas que quelqu´un vienne nous dire qu´il est l´ambassadeur du Bon Dieu sur terre.» Abassi Madani, qui refusait toujours d´entrer dans le jeu de ses adversaires politiques, préférait faire ses déclarations fortes en meeting. Lors des débats télévisés, on se souvient aussi que Bachir Rezzoug disait au cheikh: «Je suis plus inquiet qu´avant après la création de votre parti...» Abassi Madani répondait calmement avec le sourire: «Machaallah, merci mon fils, je te remercie pour cette franchise...» Le leader du FIS dissous maîtrisait sa colère contrairement à son numéro 2, Ali Benhadj, qui n´était pas autorisé à l´antenne par l´Entv car il représentait une source de récupération des masses et un déstabilisateur impénitent des adversaires politiques. Abassi Madani, accueillait avec le sourire vicieux aussi les interrogations de Khalida Toumi qui se présentait comme la représentante d´un mouvement féminin, en lui disant qu´elle ne considérait pas la femme algérienne comme un épervier du néocolonialisme ou une Jeanne d´Arc. Le FIS dissous, était à l´époque l´un des rares partis qui filmait ses meetings et ses réunions. S´il avait installé sa propre télévision, la propagande intégriste et islamiste aurait pris des proportions très dangereuses dans le pays voire dans la région du Maghreb. La Télévision algérienne à l´époque était restée le garant de la stabilité du pays. Si l´ex-FIS avait pris possession de l´Entv, il aurait chamboulé de fond en comble la politique interne et externe de pays. Il faut dire aujourd´hui, que l´Entv a été la première télévision arabe et même africaine à lancer une émission de duel politique avant même la BBC qui vient juste d´instaurer cette tradition à l´occasion du duel entre Nick Clegg, David Cameron et Gordon Brown, pour les élections législatives. [email protected]