Les progrès technique et social, le mieux-être ont, comme beaucoup de remèdes, leurs effets secondaires. Mais ils n´ont pas comme les médicaments, les antihistaminiques. Et c´est là le drame! Traumatisés par une crise du logement qui dure depuis l´été de la discorde, handicapés par un régime foncier géré par un totalitarisme outrancier, floués par des promesses jamais tenues, déçus par une distribution injuste des logements (mal) construits sans hâte ou dans la précipitation, nos concitoyens n´ont eu qu´un rêve qui les a hantés, depuis que les rêves ne sont plus permis, sauf aux harraga qui violent les conventions pour fuir leur cauchemar: construire une maison individuelle! D´abord pour fuir la promiscuité des immeubles, la saleté d´un environnement non géré par la collectivité et surtout pour retrouver une autonomie promise jadis. Posséder la clé d´une rentrée individuelle, disposer d´assez de chambres pour loger la nombreuse descendance, c´est le voeu exaucé pour beaucoup qui ont réussi à obtenir à force de sacrifices, de persévérance ou de magouilles (ou les trois à la fois) quelques centaines de mètres carrés pour construire leur petit chez-soi. Ils ont tous (pour la plupart) obtenu un permis de construire d´une APC où le conseil municipal a d´autres chats à fouetter que de gérer un patrimoine foncier dilapidé pendant les années noires. C´est ainsi que de nouveaux quartiers ont fleuri, certains sans viabilisation préalable. Depuis, c´est le chantier permanent dans les quartiers périphériques de la banlieue où les poids lourds font d´incessants va-et-vient suivis de citernes traînées par des tracteurs rescapés de la révolution agraire. Bref, nous ne parlerons ici ni de l´architecture, ni du respect du plan de masse (si jamais il en existe un), ni d´un quelconque service de contrôle sur le bâti. La première chose qui saute aux yeux, c´est que la masse de ces «villas», qui ont poussé sur des terrains agricoles, ne comporte aucun espace vert qui puisse distraire l´oeil agressé par le béton, la brique rouge ou les couleurs diverses des façades achevées. Tout concourt à donner des allures de Casbah à ces maisons collées les unes aux autres, et dont les vis-à-vis sont parfois gênants. Hormis les privilégiés qui ont réussi à avoir la façade commerciale où ils peuvent avoir pignon sur rue et créer des fonds de commerce assez lucratifs, les autres, ceux qui occupent les lignes arrière, connaissent presque les mêmes inconvénients que ceux qui habitent les quartiers surpeuplés d´Alger. Certaines zones florissantes hier, ont vu leur situation environnementale et économique ruinée du jour au lendemain: c´est le cas de Bordj El- Kiffan et de l´avenue qui va de Bab Ezzouar vers Fort de l´Eau en longeant la cité du 8 Mai-1945. Commerces fermés, arbres rasés, le tramway laisse le désert derrière lui. Peut-être que demain, les voyageurs assis confortablement dans ces engins aux couleurs de l´Etusa, se remémoreront les veillées aux glaces et aux brochettes, à l´ombre des arbres vénérables, uniques séquelles de l´infâme colonialisme. Peut-être que demain, un militant de l´écologie, à l´Assemblée, au ministère ad hoc, pensera à proposer une loi obligeant celui qui a coupé un arbre à en planter deux.