«La révolution ne supprime pas les privilèges, elle se borne à changer les privilégiés.» Philippe Bouvard La chute du régime de Ben Ali fait actuellement craindre le pire aux télévisions privées Nessma TV et surtout Hannibal TV, pour avoir été proches de l´ancien pouvoir tunisien. C´est connu, l´ouverture audiovisuelle en Tunisie avait profité seulement aux proches du régime de Ben Ali. Ainsi le patron de Hannibal TV, Larbi Nasra avait obtenu l´agrément pour sa chaîne de télévision, en s´alliant avec la famille Trabelsi. Le 13 février 2004, une autorisation de diffusion renouvelable de dix ans avait été attribuée à Tunimedia Sarl (dont le statut est obligatoire car une autorisation ne peut être concédée à une société anonyme) contre une redevance de deux millions de dinars par an. Le groupe du millionnaire tunisien Larbi Nasra lance Hannibal TV le 12 février 2005 à 19h mais son lancement officiel n´a lieu que le 13 février (date du premier anniversaire de l´octroi de l´autorisation de diffusion à la chaîne). Les programmes débutent avec une heure de retard sur l´horaire annoncé par une lecture du Coran, suivie d´une lecture d´un courrier de la présidence Ben Ali et d´un gala multidiffusé tout au long de la soirée. Hannibal TV dispose d´importantes ressources: ses locaux s´étendent sur 3 500 m² et ont coûté, selon son promoteur, près de 19 millions d´euros. Elle emploie près de 200 personnes. Hannibal TV appartient à Tunimedia, Sarl au capital d´un million de dinars tunisiens, détenu à hauteur de 90% par Larbi Nasra, les 10% restants étant détenus par deux membres de sa famille (Saloua et Najet Nasra). Hannibal TV employait Hatem Trabelsi, (un proche de la belle famille du président Ben Ali) dans Sara Raha qui était considéré comme l´émission la plus polémique dans le Monde arabe, puisque l´animateur soumettait son invité à une interview parfois musclée, qui le poussait quelquefois à quitter le plateau, humilié. Tout le monde connaissait les relations très étroites qu´avaient Larbi Nasra et le clan de la belle- famille du président. Pour sa part, Nessma TV n´est pas en reste. Même si les frères Karoui n´ont aucun lien avec l´ancien régime, l´un des actionnaires, en l´occurence Tarek Ben Ammar, est connu pour être un proche du pouvoir. Et c´est grâce à ses relations avec Ben Ali que Tarek Ben Ammar et le président du Conseil italien Berlusconi, que Nessma TV avait pu revoir le jour. Pour rassurer le palais de Carthage, Nabil Karoui avait placé l´ancien ministre tunisien de la Communication, Fethi Houidi, comme P-DG de la chaîne au logo rouge. Le retournement de veste après le départ de Ben Ali, n´a pas fait oublier aux Tunisiens que ces deux télévisions diffusaient des documentaires et des séries de James Bond au moment où le peuple faisait sa révolution de jasmin. Contrairement aux télévisions d´Etat, qui n´obéissaient qu´aux ordres de leur chef, Nessma TV et Hannibal TV n´ont pas osé prendre de risques et médiatiser une cause qui allait leur donner ce que Ben Ali leur a toujours refusé: la liberté d´expression politique. [email protected]