«Martin Scorsese a été nominé six fois avant de gagner.» Rachid Bouchareb Au lieu d´envoyer un correspondant pour couvrir l´événement, on s´est félicité que le réalisateur franco-algérien, Rachid Bouchareb, ait reçu dimanche, à Los Angeles, le certificat de nomination du film Hors-la-loi aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger, à l´occasion d´un symposium regroupant les cinq réalisateurs sélectionnés dans la même catégorie. Recevoir un certificat est-il un gage de réussite? Est-ce un prix? C´est vraisemblablement ce que notre presse semble penser. Rien de tout cela. Aucun journal ou télévision n´a cité le fait que le film qui représente leur pays a reçu un certificat. Ce certificat est offert sans fanfare ni médiatisation pour tous les nominés même de la short list, ce n´est pas un prix en somme, c´est juste un diplôme de sélection. En médiatisant cette anodine information quelques heures avant la cérémonie de clôture, on a l´impression qu´on a vraisemblablement enterré le succès de la nomination autour d´un diplôme. A Los Angeles, Rachid Bouchareb s´en balance de l´information, surtout que la télévision algérienne, comme la presse algérienne, n´était pas présente pour couvrir sa 3e nomination aux Oscars au nom de l´Algérie. Il n´y avait aucun reporter algérien aux côtés de Didier Allouche, le correspondant de Canal+, qui a été la seule télévision francophone à interviewer Rachid Bouchareb. Et quand le reporter de la chaîne cryptée coince le réalisateur de Hors-la-loi, avec la délégation du film composée du producteur français Jean Bréat, le producteur algérien, Mustapha Orif, le distributeur américain, Charles et le représentant du ministère de la Culture, Ahmed Bedjaoui, la première question n´était pas destinée à le féliciter pour l´obtention du certificat, mais pour lui demander quelle carrière a le film dans les salles aux Etats-Unis. Bien évidemment, le journaliste français ne pouvait pas interroger le réalisateur sur la carrière du film en France en raison du boycott total de Hors-la-loi par les Français. Rachid Bouchareb en grand «little big men», appelle son distributeur américain pour témoigner de la bonne santé du film aux States contrairement à sa carrière en France. A ce sujet, Rachid Bouchareb dira que le film est reçu comme une vraie histoire avec de la distance, qu´il n´y a pas les mêmes émotions et tensions comme en France et plus particulièrement à Cannes, avant d´ajouter qu´en USA, il n´y a aucune hostilité envers le film et que le terrain est vierge. Le téléspectateur américain peut ainsi découvrir une histoire. Pour clouer le bec du reporter de Canal+, qui insistait, Bouchareb rajoute que la carrière du film est encore plus intéressante en Italie, en Espagne et en Angleterre. Il était clair que le réalisateur de Hors-la-loi a encore une dent, voire même un dentier contre la presse française qui l´a descendu en flammes à Cannes et durant l´exploitation de son film dans l´Hexagone. Et quand Laurent Veil, le Monsieur cinéma de Canal+, lui demande de le rejoindre sur le plateau au cas où il gagnerait l´Oscar, Rachid Bouchareb eut cette réponse assez creuse: «Il faut venir me chercher avec votre voiture...» Bouchareb n´a pas reçu l´Oscar, mais il a gagné le respect et la confiance des Américains et rompu pour un bon bout de temps le dialogue avec la France. [email protected]