A qui le tour? La question se pose dans les pays arabes avec insistance. Bush l'a laissé entendre et l'a même notifié par écrit au Conseil de sécurité. Et bien que ce genre de propos semble plus destiné à la consommation interne aux fins de remonter le moral à un peuple blessé dans sa chair, dans son amour-propre, bien des observateurs les prennent très au sérieux. Pour plusieurs raisons. La première est que l'attaque contre l'Afghanistan n'aura pas les effets escomptés. Remplacer des taliban par d'autres taliban ne fera avancer les choses en rien. L'occuper par des soldats Us entraînera une guerre de longue haleine et fera des milliers de victimes dans un «bourbier patchoune» que les Russes ont essayé, avec l'insuccès que l'on connaît. La capture de Ben Laden semble, de plus en plus, incertaine pour le moins, dans les conditions actuelles. Même si cela reste du domaine du possible, il s'avère, d'ores et déjà, que la toile qu'il a tissée à travers le monde est plus périlleuse que sa seule personne. Les services de sécurité, et sur la base d'informations, ont non seulement identifié un millier d'activistes dans le monde, mais ont aussi pu établir une liste d'au moins 100 pays qui abritent des mouvements radicaux antioccidentaux. Si, donc, les Etats-Unis s'avisent à attaquer tous ces pays, ce serait alors de la pure folie. Pour le moment, les analystes classent les pays «attaquables» en trois paliers. Le premier est l'Afghanistan, et l'attaque a commencé depuis trois jours. Le second comprend l'Irak, le Soudan, la Libye, la Tchétchénie etc. et présente des cibles que les USA ont, de tout temps, désigné comme autant de viviers du terrorisme. Et enfin le troisième comprend des pays tels que la Syrie, la Palestine, le Liban, des pays hostiles au terrorisme mais qui abritent des groupes de «résistance» assimilables, selon Washington, au terrorisme. Dans l'étape actuelle, le second palier l'Irak est le plus désigné. Mais là, comment les USA réussiront-ils à convaincre leurs alliés - hormis la Grande-Bretagne - de «l'acceptabilité» de leur attaque contre Bagdad? En réalité, les observateurs insistent là-dessus. Les Etats-Unis ont des comptes à régler avec les «rogue states» (les Etats voyous), qui, tels Cuba, la Libye, la Syrie, l'Iran etc., ne sont pas partie prenante de la conception américaine du monde. Un vrai challenge se pose pour Bush: comment venir à bout d'un terrorisme antiaméricain virulent et parallèlement, (ré) instaurer l'ordre mondial sous la bannière étoilée? La quasi-totalité des organisations terroristes, à l'instar du GIA, sont des «groupes mobiles» et de ce fait, n'ont pas de QG attaquables. La grande force des GIA algériens, par exemple, résident en France, en Belgique, en Suisse, en Grande-Bretagne et en Allemagne... Bush n'attaquera pas ces pays pour autant. Si, par ailleurs, un pays arabe est attaqué - disons l'Irak, le premier à être «pressenti» - Bush aura du mal à convaincre le monde arabo-musulman qu'il veut endiguer le terrorisme ou qu'il cherche à maîtriser ses supports. Il se mettra à dos un milliard de musulmans, soit 20% de la population mondiale et confirmera réellement ce qu'il avait si malencontreusement prononcé: «la guerre des croisés», comme il confirmera «le choc des civilisations», sorte de Guerre des étoiles aux relents biologico-politiques qui réveilleront les vieux démons des siècles passés.