L'Italie promet des «récompenses» aux pays qui coopèreront. Devant le flux sans cesse croissant des immigrants clandestins qui débarquent sur les côtes de son pays, le chef de la diplomatie italienne, Franco Frattini, a proposé hier ce qu'il appelle un «bonus» aux pays réprimant les départs des clandestins. Il a aussi soutenu au passage le projet de camps de transit à Chypre et Malte pour contenir le flot de nouveaux prétendants à l'immigration en Europe via la péninsule italienne. Il faut rappeler à ce sujet que l'idée de créer des camps de demandeurs d'asile hors des frontières de l'Union européenne a été rejetée, jeudi dernier, au sommet européen de Salonique en Grèce. La «récompense» de Rome, consisterait dans la possibilité que «l'Italie pourrait augmenter le quota d'immigrés réguliers en provenance des pays qui réussissent à bloquer ces clandestins sur leurs propres côtes. Ce serait une sorte de bonus à ceux qui se comportent bien», a déclaré M.Frattini au quotidien II Corriere della Serra. Le ministre des Affaires étrangères italien a cité dans ce cadre, plusieurs pays qui travaillent de concert avec son pays dans la mise en pratique de cette expérience. Ainsi, selon lui «l'Egypte a fortement intensifié les contrôles dans le canal de Suez», et, Le Caire et Rome «sont en train de négocier un paquet de mesures» en ce sens. Idem pour la Tunisie qui d'après lui «doit être encouragée à faire plus» ou encore la Libye d'où seraient parties, ces derniers jours, de nombreuses embarcations chargées de clandestins et dont l'une d'entre elles a fait naufrage causant la mort ou la disparition en mer de plusieurs dizaines de personnes. Rome a même plaidé pour une dérogation à l'embargo en vigueur contre la Libye afin de livrer du matériel nécessaire à la surveillance des frontières (véhicules, équipements de vision nocturne, etc.). Venant de l'Italie, un ancien pays pour d'immigration en tout genre jusqu'au début des années 70, mais devenu depuis, la porte du rêve européen pour des dizaines de milliers de malheureux, prêts à braver la mort pour échapper à la misère. Ces ébauches de solutions à un dossier récurrent restent aléatoires dans la mesure où le problème n'est pas attaqué à la racine mais plutôt à ses manifestations. D'ailleurs, autant cette idée de «bonus» pour les Etats qui coopèrent avec les autorités italiennes dans leur chasse aux clandestins que celle relative aux camps de transit vus comme de véritables camps de «concentration» par les organisations humanitaires et des pays comme l'Allemagne ou la Suède, obéissent à des considérations beaucoup plus politiciennes et d'intérêts diplomatiques qu'à une véritable attention-réflexion pour trouver des solutions adéquates à un phénomène planétaire. Ainsi, le thème de l'immigration clandestine avec ses drames et ses risques est souvent effrontément exploité par les populistes xénophobes de la Ligue du Nord de Umberto Bossi, membres de la coalition au pouvoir qui ont poussé le bouchon jusqu'à réclamer l'usage du «canon» contre les embarcations des clandestins. Un autre bouc-émissaire est également mis en avant pour occulter l'impuissance des pays européens à juguler le flot des candidats à l'immigration clandestine vers le Vieux continent à travers la mise en cause de la politique panafricaine de la Libye. Tripoli, est accusé par ces mêmes milieux de poser «un sérieux problème» à l'Europe dans son combat contre l'immigration clandestine, et de ce fait, a affirmé hier le ministre de l'Intérieur italien, Giuseppe Pisanu, «Nous devons fermer les frontières de la Libye à ses entrées et sorties».En fait, si l'Italie s'empresse de proposer ce genre de solutions saugrenues à un dossier épineux, c'est simplement parce que pour Rome, le temps presse, la question de l'immigration clandestine pouvant provoquer une crise gouvernementale au moment même où l'Italie s'apprête à prendre les commandes de la présidence de l'Union européenne au début du mois prochain.