Soraya Haddad, l'une des rares satisfactions L´Algérie s´est contentée de la 3e place par équipes en dames et messieurs aux Championnats d´Afrique de judo qui se sont déroulés récemment à Dakar derrière la Tunisie 1er et l´Egypte 2e. Le président de la Fédération algérienne de judo, M. Ali Bendjemaâ a bien voulu livrer son analyse aux lecteurs de L´Expression sur les prestations des Algériens ainsi que les perspectives d´avenir de la discipline. L´Epression: Avec du recul, quelle lecture faites-vous des résultats de nos judokas lors du dernier Championnat d´Afrique à Dakar au Sénégal? Ali Bendjemaâ: Honnêtement, nous sommes de très très loin, des champions d´Afrique. Nous avons, certes eu trois médailles d´or, mais nous avons bien raté 2 autres médailles: il s´agit de celle de Saïdi, championne d´Afrique en titre et de Oualal dans les 78 kg. Je me dois de dire avec désolation que je n´ai absolument rien compris à ces défaites de nos deux judokates, car leurs adversaires étaient bien à leur portée. Nos deux athlètes sont donc passées à côté de leur sujet. Avec ces deux médailles, on aurait bien pu être champions d´Afrique. Ceci, en matière de résultats en individuel. Par équipes, nous sommes arrivés en finale alors que nous avions battu de grandes équipes. Moussa et Haddad ont bien surclassé leurs adversaires respectives, mais, encore une fois, Saïdi perd contre une Tunisienne vraiment à sa portée. Je ne parlerai pas des 2 autres athlètes, car c´était vraiment contre des Tunisiennes qui leurs étaient bien supérieures. Chez les garçons, nos judokas ont perdu devant une équipe tunisienne, tout aussi à leur portée. Et c´est justement ces résultats que je n´arrive pas à comprendre alors que sur le plan technique nos athlètes sont vraiment les meilleurs sur le continent. Question bilan, que diriez-vous au juste? Je ne peux pas parler de bilan: car ce n´est point une histoire de préparation ou de niveau, nos athlètes sont vraiment les meilleurs sur le contient, mais ils ont perdu des titres «bêtement», si vous me permettez l´expression. Nos athlètes sont passés à côté de la plaque durant certaines finales. C´est peut-être un problème psychologique, non? Non. Le côté psychologique n´a rien à voir là-dedans. Ce sont des athlètes de valeur. Ils ont eu une préparation à la hauteur de l´évènement qu´ils préparaient. Ils avaient tout ce qu´il fallait à Dakar lors de ces Championnats d´Afrique et ils ne manquaient donc de rien. Seulement, je n´arrive toujours pas à comprendre comment se fait-il que l´on perde des médailles aussi bêtement. Quels sont les points positifs que vous retenez, tout de même de ces championnats d´Afrique? La valeur de nos judokas est bien établie, seulement les résultats n´ont pas suivi. Les Egyptiens ont été champions chez les garçons et les Tunisiens chez les filles. Chez nos judokas filles et garçons, leur valeur continentale est indiscutable, mais sur le plan résultats techniques, je n´ai pas compris ces médailles perdues devant des adversaires largement à la portée de nos athlètes. Je relève bien comme cas positifs, les performances du jeune Grini qui n´a que 20 ans. Il a démontré qu´il possède une marge progressive de performance qui incite à l´optimisme. Avec deux ou trois championnats d´Afrique, ce sera une valeur sûre de notre judo. Il y a aussi les prestations de la jeune Oualal qui a tout de même perdu contre la Tunisienne, championne d´Afrique. Et comme Oualal n´a que 20 ans, c´est donc de bon augure. C´est aussi le cas de Sonia Asselah qui reste aussi une valeur sûre de notre judo. Cette dernière a perdu contre une Tunisienne très bien placée à l´échelle mondiale. Elle va donc progresser dans sa catégorie. Avec des jeunes d´un tel talent, je m´estime content, car le judo algérien commence à se régénérer. Et puis, il ne faut pas oublier une chose... Laquelle? Je voudrais évoquer l´ancienne équipe de judo, celle d´il y a deux ans, non pas pour critiquer, l´ancien groupe, mais juste pour remarquer que nous avons perdu beaucoup de très bons athlètes. Nous avons perdu, les Rebbahi, Meridja, Yacoubi, Ouardane, Latrous et Moussa qui a changé de catégorie des 48 aux 52 kg. Il y a donc six athlètes de haut niveau qui sont partis d´un seul coup. Avec eux, on aurait pu avoir au moins, je dis bien, au moins, 3 ou 4 médailles. Ce départ massif nous a donc fait perdre quelques places. Cela ne dérange pas pour autant. Car j´estime que cela ne fait rien puisque nous allons devoir reculer un peu pour lancer des jeunes. Ce qui n´a pas été fait. Maintenant, je pense qu´il est bel et bien temps de régénérer sérieusement le judo algérien. Et puis, il ne faut pas du tout oublier que l´Algérie n´est jamais très loin. L´Algérie n´est pas à la 6e ou 7e place, mais elle est là, sur le podium. On aurait bien pu avoir 4 médailles et la Tunisie en perdre une et on aurait été meilleurs. Avec deux autres médailles on aurait pu être premiers. Ce qui veut dire que l´Algérie est toujours présente sur le plan continental et ça est très important dans la mesure où cela prouve la valeur du judo algérien et sa présence en terre africaine. C´est l´analyse qu´il faudrait donc faire. Quelles sont les points négatifs que vous relevez de ces Championnats d´Afrique de Dakar? Il se trouve qu´il y a des athlètes qui ont dépassé l´âge et ils n´ont malheureusement pas joué le jeu durant ces Championnats d´Afrique. Il y a des athlètes qui concourent depuis 10 ans et ils sont toujours là. Seulement, en parallèle, il n´existe pas de suivi pour avoir d´autres athlètes préparés pour prendre le relais. Et c´est tout le mal du judo algérien. C´est la réalité du tatami qui le prouve. Que préconisez-vous pour régler ce problème? On ne préconise rien On ne pourra plus miser sur ces mêmes athlètes et on se doit donc de lancer des jeunes. Quand on a un athlète de 100 kg qui est âgé de 34 ans, il aura une année de plus l´an prochain, alors là, quand bien même il est champion d´Algérie et qu´il ne possède même plus de concurrent, il est évident que je préfère dans ce cas-là, donner leur chance à des jeunes pour une concurrence loyale et ainsi avoir deux ou trois athlètes dans quelques années. Regardez, par exemple, l´Egypte et la Tunisie, ces pays ont préparé des jeunes depuis 2 ans, et c´est aujourd´hui qu´ils commencent à cueillir le fruit de leur investissement. Alors, il nous faudra, sans trop chercher à penser à autre chose que de lancer les jeunes. Avec deux ou trois compétitions africaines, ils auront l´expérience voulue pour prendre le relais et confirmer que le judo algérien est bel et bien le meilleur en Afrique. Il faut régénérer le judo algérien, c´est une condition sine qua non pour garder le rythme et rester dans les cimes. Ces judokas tunisiens et égyptiens sont âgés de 24 ans et ils sont prêts pour des compétitions d´envergure. C´est ce qu´il faudra faire de suite chez nous. Pourtant, le critère de choix des athlètes est très clair et bien respecté, non? Il ne s´agit plus de critères de choix. C´est la réalité du terrain qui dicte ce qu´il faudrait faire: et il se trouve que régénérer le judo algérien est devenu une nécessité absolue. Le cas de Azzoun est illustratif. Il n´a plus de concurrent et il est âgé de 34 ans. Il est le meilleur, mais il faudrait bien penser à sa relève. C´est donc de notre devoir de le faire. Il y a des judokas qui sont restés 7 à 8 voire 9 à 10 ans sur le tatami et ils possèdent autant de championnats d´Afrique dans leur parcours, mais il n´y a pas de concurrent pour assurer la relève. D´où, la nécessité de lancer cette promotion des jeunes pour assurer la pérennité du judo algérien. Il faut les prendre en charge dès aujourd´hui, ces jeunes pour bien les former et avoir la suite assurée pour notre élite dans le domaine. Et que pensez-vous de la prochaine échéance, celle du Mondial en France qui arrive? Il ne faut pas se leurrer, ce n´est pas parce que nous avons eu des athlètes médaillés olympiques que l´on est déjà arrivé. Notre judo régresse, il faudrait être honnête et le dire. Il faut reconnaître, certes, que nous avons des athlètes qui se rapprochent des 5 ou 7es mondiaux dont Soraya Haddad qui pourrait bien se retrouver entre la 4e et la seconde place du podium mondial. Il y a Benyacoub qui est parmi les 7 premiers mondiaux et pour avoir des athlètes de ce niveau, il faudrait travailler avec les jeunes en les lançant dès maintenant dans le bain. Il ne faut surtout pas oublier que les derniers mondiaux nous ont été fatals, car le hasard du calendrier veut qu´ils tombent au mois de Ramadhan. L´année dernière c´était le cas et cette année également. Avec des judokas européens et autres de niveau mondial, se présenter avec des athlètes qui jeûnent, il n´y a pas lieu de s´attendre à des miracles. Je ne justifie pas les résultats de nos athlètes, mais encore une fois, c´est le langage du tatami qui le dicte. Pour les prochaines échéances, il y aura aussi les Jeux africains et arabes. Mais, il y a avant tout, le Grand Prix de Bakou qui aura lieu durant la première semaine du mois de mai prochain. Qui seront donc concernés par ce Grand Prix? Les mêmes qui ont disputé les Championnats d´Afrique? Il y aura bien sûr les premiers dont le niveau est reconnu, Haddad, Benyekhlef, Benyacoub, Hadid, Moussa. Il n´y aura que 5 ou 6 athlètes tout au plus. Et que diriez-vous donc en conclusion? Le sport, ce n´est pas que les résultats. Car, ils sont bien là pour être, certes, un indicateur de la préparation et du niveau, mais il y a aussi une certaine réalité du terrain qu´il faudrait bien prendre en compte. Quelle que soit la solution, on doit nécessairement abouter à ce passage de témoin aux jeunes. L´essentiel est de ne pas tomber dans le creux. Il faudra donc avoir le courage de régénérer l´Equipe nationale dans son ensemble.