Depuis plusieurs semaines des médecins, des enseignants, des chercheurs, ce que, en général, on qualifie de «cadres», au-dessus de tout soupçon, sont quotidiennement tabassés par des services de sécurité zélés quand le droit de manifester et de revendiquer est chaque jour, un peu plus endommagé. Ce ne sont pourtant pas n´importe quels protestataires qui, depuis des mois, battent le pavé des villes d´Algérie. Ce sont des «cadres de la nation», des médecins qui veillent sur sa santé, des enseignants qui apportent le savoir à ses enfants, qui font l´objet de la même répression que l´on administre à des casseurs ou a des voyous. C´est cette image déplorable qui est ainsi donnée de l´Algérie, une Algérie qui réprime son élite, une Algérie qui ne sait pas, n´a pas su mettre à la disposition de ses cadres et de sa fine fleur les moyens de se réaliser et de réaliser les espérances auxquelles tendent les citoyens et le pays. Mais ces aspirations peuvent-elles se concrétiser quand le travail de ces cadres se fait dans des conditions navrantes, loin des idées que l´on peut, que l´on doit, se faire du travail des universitaires, des médecins, des enseignants et autres chercheurs, toutes catégories dont l´existence est vitale pour le développement et le devenir d´un pays? Comment peut-on ne pas prendre en compte cet aspect de la question lorsque les autorités publiques répondent par la matraque aux demandes justes et fondées de ces cadres, quand il fallait rectifier le tir pour remettre les choses à l´endroit et les revendications dans leur juste contexte? Où a-t-on vu des universitaires et des médecins, des chercheurs et des enseignants se faire rosser par la police? Et dire qu´il y a quelques mois, Monsieur Harraoubia, ministre de l´Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, rêvait au retour au pays d´une élite nationale éparpillée aux quatre coins du monde? Une élite qui, il est évident, aurait été d´une grande utilité à un pays en panne d´idées, en panne de cerveaux capables de repenser des concepts de gouvernance, aujourd´hui surannés et ne servant pas l´Algérie. Aussi, la volonté de faire revenir en Algérie ces cerveaux part-elle sans aucun doute d´un bon sentiment. Cependant, on ne fait pas le monde avec des sentiments, surtout lorsque l´on donne à voir des cadres, qui sont sur place, aussi mal traités et aussi peu considérés. Dès lors, comment espère-t-on attirer et faire revenir les élites exilées de l´Algérie lorsque dans le mêmes temps on donne l´impression de tout faire pour décourager leur éventuel retour, lorsque les droits de la fine fleur du pays ne sont pas reconnus, leurs salaires à peine supérieurs au Snmg? Le ministre de l´Enseignement supérieur aurait ainsi gagné à mieux cibler ses projets en prenant en compte les revendications de ceux qui sont au pays, manière de crédibiliser son appel du pied à nos élites expatriées. A en croire le ministre de la Santé, Saïd Barkat, sur 12 cardiologues formés par la faculté de médecine de l´Université d´Alger, 10 ont quitté le pays. Et cela concerne uniquement la Fac d´Alger et une spécialité. Or, le gouvernement a en main toutes les données quant à la déliquescence que connaissent nos universités et nos hôpitaux. Reste à savoir s´il existe une volonté politique pour prendre sérieusement en charge un dossier aussi explosif qui envenime les relations entre les cadres de la nation et les dirigeants du pays, de même qu´il altère l´image du pays à l´étranger par les bastonnades répétées dont sont victimes médecins et enseignants dont le tort est de revendiquer de meilleures conditions sociétales. Or, l´enseignement et la santé, n´ont jamais été aussi mal portants qu´ils ne le sont aujourd´hui alors que l´on pouvait supposer que l´Algérie, enfin sortie de la zone rouge, était capable de redonner motivation et raison de croire à ses cadres. Il semble que cela n´est point aussi simple que cela.