Des médecins tabassés, des enseignants sur le gril et le droit à la revendication de plus en plus écorné. Ce ne sont pas n´importe quels protestataires qui, depuis des mois, battent le pavé des grandes et petites villes d´Algérie. Ce sont des cadres de la nation, des médecins, des «blouses blanches» qui, entre autres, maintiennent la population en bon état de santé. Mais peuvent-ils faire correctement leur travail ou entreprendre des recherches spécifiques à leur profession si les conditions, sine qua non, continuent à faire défaut? Est-il d´autre part normal que des professionnels de services publics aussi stratégiques que la médecine et l´enseignement rencontrent si peu de répondant et d´écoute de la part des pouvoirs publics et des décideurs du pays? C´est là un paradoxe incompréhensible, quelles que puissent être les justifications que les autorités publiques apportent par ailleurs. En tout état de cause, des images comme celles de médecins se faisant tabasser par la police restent inacceptables quel qu´en soit le motif, singulièrement lorsqu´il s´agit de «cadres de la nation». On peut même se demander si la situation de «cadre de la nation» a encore une signification en Algérie lorsque médecins et enseignants sont réprimés par les forces de l´ordre au même titre que le serait le premier voyou venu. D´autant plus que les revendications des praticiens de la santé et des enseignants sont largement recevables, car il est inconcevable que des cadres de la nation - nous insistons sur cette qualification professionnelle - continuent à vivre dans des conditions proches de la déchéance. De fait, la manière avec laquelle l´Etat prend en charge ses cadres explique dans une large mesure, sans doute, leur départ massif vers l´étranger, en particulier les médecins (toutes catégories confondues, du généraliste au grand patron en passant par le spécialiste) qui sont des milliers à exercer en France, notamment, alors que le secteur de la santé en Algérie souffre à juste titre de l´absence de praticiens qualifiés. Or, l´état de détérioration dans lequel se trouvent les hôpitaux algériens renseigne sur le recul dommageable d´un secteur (la santé) hier encore fleuron de l´Algérie indépendante. Le paradoxe encore, est le fait qu´au moment où l´Algérie ne disposait pas de grands moyens, elle a su édifier un secteur de la santé puissant et la médecine était gratuite. C´est quand le pays a sorti la tête de l´eau, si l´on peut dire, maintenant qu´il dispose d´une aisance financière jamais connue auparavant, que tout semble se désarticuler. L´industrie, l´enseignement et évidemment la santé, n´ont jamais été aussi mal portants qu´ils ne le sont aujourd´hui alors que l´on pouvait supposer que l´Algérie, enfin sortie de la zone rouge, était capable de redonner motivation et raison de croire à ses cadres. Cela n´est plus aussi évident face aux problèmes récurrents, à la cherté de la vie, au chômage, au manque de logements auxquels fait face la société. En plus de ces manques, communs, que le médecin et l´enseignant partagent avec le citoyen lambda, d´une manière générale, ceux-ci sont encore confrontés, outre à un salaire dérisoire au vu de leur position sociale, à un déficit de documentation technique et spécialisée qui ne leur permet pas (plus) de suivre l´évolution de leurs secteurs respectifs et les avancées de l´enseignement et de la médecine dans le monde. Cette documentation - seule à même de permettre la recherche scientifique dans les domaines concernés - revient très, très cher et ce n´est certes pas avec leurs maigres pécules qu´enseignants et praticiens de la santé vont pouvoir progresser dans leurs connaissances et améliorer leurs propres prestations. Une quadrature du cercle qu´aggrave le manque d´écoute et de répondant patents des pouvoirs publics.