L'affaire des moines de Tibhirine refait surface L'avocat des parties civiles s'est adressé à Nicolas Sarkozy pour lui demander de déclassifier tous les documents pouvant être utiles à l'enquête. La France cherche-t-elle à utiliser l´affaire de l´assassinat des moines de Tibhirine comme une carte de pression politique? Hier encore, ce dossier a été rouvert. L´avocat des parties civiles, Me Patrick Baudouin, est revenu à la charge. L´avocat s´est adressé au président français, Nicolas Sarkozy, pour lui demander de déclassifier tous les documents pouvant être utiles à l´enquête. «Je m´adresse solennellement au Président de la République française pour que la légitime recherche de la vérité ne soit pas entravée par la raison d´Etat sous couvert d´une utilisation abusive de la notion de secret défense», a-t-il écrit dans une lettre publiée par le site Médiapart. Les documents proposés à la déclassification sont soumis à un avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale (Ccsdn) mais la décision de déclassifier ou non les documents revient in fine au ministre responsable des documents, qui suit généralement l´avis. Selon de nombreux observateurs, cette affaire ne serait qu´un moyen de pression utilisé par la France. A chaque fois que les Algériens retournent vers l´Histoire pour demander la repentance ou la demande de criminalisation de la France coloniale, on sort une nouvelle carte politique de l´autre côté de la Méditerranée. Ces derniers temps, le débat sur la criminalisation du colonialisme a occupé la scène politique nationale, après, notamment, les déclarations du ministre des Moudjahidine, Chérif Abbas. Selon l´interprétation des mêmes observateurs, à travers cette affaire des moines, la France tente de faire pression sur le pouvoir algérien afin qu´il renonce à la proposition de loi concernant la criminalisation de la France coloniale. Or, l´assassinat des sept moines, enlevés en 1996 dans leur monastère de «Notre-Dame de l´Atlas», est une affaire classée. Le juge Marc Trevidic avait déjà obtenu la déclassification de quelque 70 documents classés «confidentiel défense». Parmi les documents, aucune note décisive sur une éventuelle «bavure» de l´armée algérienne, dans l´assassinat des moines n´a été retrouvée. Les documents déclassifiés sont ceux rédigés par les différents services français, c´est-à-dire la DST, Direction du renseignement militaire et la (Dgse) Direction générale de la surveillance extérieure. La justice française avait décidé la «levée du secret-défense» sur les documents détenus par les ministères français de la Défense, de l´Intérieur et des Affaires étrangères, à la suite du témoignage de l´ancien attaché militaire à l´ambassade de France en Algérie, François Buchwalter. Ce dernier avait témoigné, en 2009, devant la justice de son pays que les sept moines sont morts à la suite d´une intervention de l´Armée algérienne qui aurait mal tourné. Ce même militaire dit avoir informé ses supérieurs en France de cette thèse. Or, aucune trace du rapport que le général Buchwalter dit avoir rédigé n´a été trouvée parmi les documents consultés. Autrement dit, les documents obtenus pour l´instant par le juge Trevidic ne font état d´aucune trace des informations fournies par François Buchwalter. Le juge a obtenu la déclassification même des documents de la Défense française, dont certains ont été signés par Buchwalter, sans trouver trace de ce rapport dont parle le général.