L'audiovisuel fut, un temps, pratiqué comme «un instrument privilégié dans le domaine de la formation et du développement». Judicieusement préfacée par Yahia Bourouina, une grande figure de l´Education nationale, la publication Le Bo.Nu.Sc & la cl@ssetic, Le Bouquet numérique de la scolarité (*) du pédagogue Ahmed Tessa s´inscrit bien dans la collection Que faire et y répond avec justesse. Mais en ouvrant cet opuscule, j´ai le net souvenir d´une époque - belle époque, s´il en fut -, celle des années 70 où, chez nous, à peine deux lustres d´indépendance, des responsables de l´Education nationale ont découvert les utilités bienfaisantes de l´enseignement à distance! On pouvait alors, on devait assister nos enseignants au nombre des qualifiés fort insuffisant et donner une seconde chance pour des études de l´espoir, celles qui garantiraient un meilleur avenir à une multitude d´adolescents, les échoués du système scolaire invalide et invalidant: héritage colonial contraire à nos aspirations (nous pouvons dire avec Yvonne Turin: «La décolonisation a mis à jour la colonisation.») et fascination des esprits par l´arabisation utilisée de façon, hélas! totalitaire et archaïque, comme un prosaïque miroir aux alouettes. Et cet avènement, non viable, il faut avoir l´honnêteté de le dire, n´est pas clos dans le souvenir des Algériens lucides. Pour sauver les naufragés de l´école (déjà!...Mais disons encore que c´était la faute à l´école coloniale!), pour renforcer la contribution pédagogique et didactique de la coopération étrangère dans nos établissements scolaires et pour homogénéiser la formation des enseignants, le Centre national d´enseignement généralisé (CNEG) a été créé par Ordonnance le 22 mai 1969 et placé sous la tutelle du ministère des Enseignements primaire et secondaire. Cette fantastique mission, le CNEG a tenté de l´accomplir, lui aussi en dépit de l´insuffisance des effectifs en personnel spécialisé et en personnel tout court et du manque de moyens matériels et techniques. Il fallait répondre aux nombreuses préoccupations nationales, par exemple, favoriser l´expansion de l´éducation de masse, notamment à la veille du 1er plan quadriennal (1967-1969) et contribuer à la formation initiale et/ou complémentaire des Moniteurs de l´enseignement jusqu´à, disait-on, «extinction» (sic!) de ce corps. Des actions généreuses ont été conduites dans ce sens et, par la suite, elles ont eu des fortunes diverses. La mise en place d´une méthodologie s´appuyant sur des ressources techniques audiovisuelles (correspondance, radio, télévision,...regroupements d´élèves, journées pédagogiques destinées aux enseignants, formation de formateurs) n´a vraiment pas créé l´événement attendu. En fait, la méfiance du changement, l´impatience d´attendre les beaux effets escomptés, la lourdeur de l´administration à suivre les étapes de l´innovation pédagogique,... ont découragé les initiateurs de l´Ecole de la seconde chance et, paradoxalement, cette même administration (est-ce pour des raisons économiques ou simplement de logistiques institution-nelles?) poursuivant, sous d´autres formes, les mêmes activités, débaptise le CNEG en ONEFD (Office national d´enseignement et de formation à distance). De toute façon, l´histoire de l´école algérienne inscrira dans ses plis cette Institution éducative, qui vaille que vaille, n´aurait jamais été tout à fait inutile, de quelque côté qu´on aurait eu à l´étudier. Mais ce que je viens de dire conforte énormément la réflexion de Tessa, réflexion exprimée dans son ouvrage Le Bo.Nu.Sc. & la cl@ssetic. Il a observé l´instituteur, («L´insti-tuteur de campagne», souligne-t-il souvent ainsi son propos de pédagogue qui pratique le bon sens), celui qui, littéralement, instruit, donne de l´instruction, mais surtout celui qui «fonde» le savoir dans l´esprit des jeunes intelligences, autrement dit «le fondateur, celui qui établit». Voilà donc que Tessa nous avertit sur les niaiseries d´une communication mal établie, qui se veut prétentieuse, horriblement inefficace à éduquer et instruire; le bon «dada» des grands éducateurs est de s´instruire aux sources pour instruire valablement. Formé par sa propre expérience, l´auteur parle juste dans son ouvrage. Il amorce le dialogue sur les Technologies de l´information et de la communication (TIC) par la lumière de l´intelligence, la magie de la découverte du savoir, l´humilité du savoir-être et l´humanisme de l´art du savoir communiquer. Il nous prévient des dérives de l´emploi systématique et donc barbare et abusif de ces TIC (choses qui risqueraient de nous blesser l´esprit!). Nous ne serions pas à l´abri d´une grossière erreur pédagogique, et nous aurions manqué notre but, faute précisément d´en avoir un parfaitement précisé. Tessa nous rappelle que la pédagogie est un art par lequel l´acte d´enseigner donne son sens à toute l´organisation de la classe. Bien ou mal établi, le royaume des images numériques s´installe partout et en nous-mêmes à la vitesse d´un clic au bout d´un doigt! L´ordinateur n´est plus utilisé dans notre vie quotidienne, dans notre société, autrement que comme décor extérieur agréable ou désagréable. Et comment donc, dans nos maisons et, avant tout, dans les classes de notre école, ne serions-nous pas des génies des TIC et pourquoi donc (pour paraphraser Ahmed Tessa dans sa conclusion) ne pourrions-nous pas nous targuer de nous être équipés non pas de TIC, mais de...toc ou vulgaires «quincailleries». Toutes ces idées et d´autres sont largement développées et commentées par Tessa, notamment celles qui traitent des enjeux du «Bouquet numérique de la scolarité», de la place du maître dans «la cl@ssetic». L´enseignant ne serait plus un simple donneur de leçons ou un répétiteur inerte, mais homme de conscience et de savoir, il se remettra en cause, sans cesse, pour demeurer le maître qui agit, qui valide l´information avec, non plus ses élèves, mais avec ses équipiers; ils iront ensemble à la recherche de la science et ensemble ils étudieront la vérité dont elle est porteuse. Bon gré mal gré, ainsi qu´observe Ahmed Tessa avec raison, «L´ère du numérique nous presse de nous embarquer sur le vaisseau des TIC. L´avenir n´appartient pas à ceux qui fuient cette réalité. Ils seront dépassés et transformés en main-d´oeuvre corvéable à merci. À la limite, les peuples qui en seront exclus, deviendront des consommateurs passifs. Leurs pays se transformeront en comptoirs commerciaux - sinon en dépotoirs pour les déchets des pays nantis qui, eux, sont engagés dans la bataille de la protection de l´environnement et du développement durable.» (*) Le Bo.Nu.Sc & la cl@ssetic, Le Bouquet numérique de la scolarité d´Ahmed Tessa, Editions E.M.E., La Préparatoire, Alger, 2010. 134 p.