Présentée à la Sierra Maestra, cette pièce franche, caustique et drôle est programmée jusqu'au 17 juin. Après les théâtres régionaux de Béjaïa et Tizi Ouzou et la région de Beni Izguen (Ghardaïa), Slimane Benaïssa a donné, mardi dernier, rendez-vous au public algérois pour assister à la générale de sa nouvelle pièce de théâtre. Son nom? Wel Moudja welat, (le retour de la vague) une sorte de continuité de ses précédentes productions. D´ailleurs, des clins d´oeil y sont bien présents dans cette nouvelle création. A commencer par ce décor blanc et ces tirades où l´on reconnaît la célèbre boutade «yenaâl bou elli mayhabnèche»(honni celui qui ne nous aime pas!), mais aussi un clin d´oeil à sa fameuse pièce censurée Lyoum El Djemaâ kherdjou ryam. Habillé en blue-jean et veste shangaï, Boualem, ce personnage symbole, jette un regard rétrospectif sur l´ensemble des événements historiques phares, bouleversants qu´à vécus le peuple algérien depuis la période coloniale en s´arrêtant sur les crises politiques, économiques et sociales. La lumière est tricolore, suggérant l´emblème national. Slimane Benaïssa parvient à faire rire par des tournures de phrases bien caustiques, un tantinet cynique... Le texte de ce spectacle, qui se veut un croisement entre le monologue classique et le montage poétique théâtralisé, dégage un fort attachement à la question identitaire et à l´amazighité mieux, à l´algérianité et au sens perdu qu´on devrait lui donner aujourd´hui. Ses racines sont symbolisées par la figure du grand-père qu´incarne l´orateur, un grand-père qui est d´abord une «conscience, puis une douleur qui ne dorment pas». Pendant plus d´une heure de temps, Slimane Benaïssa, ce goual (le diseur) venu du hors temps, clame, plaide, revendique et défend sa patrie, «le vrai paradis» en vérité, si on pouvait extraire et éviter toutes ces bêtises et erreurs...assène aussi des vérités et dénonce ce que tout le monde sait et n´ose le crier. Lui, il le fait sur scène, le jour même de la célébration de l´artiste. Son récit, en arabe dialectal, abord avec amertume, parfois avec ironie, la souffrance du peuple algérien pendant l´époque coloniale, dont son enfance entourée de l´affection d´une mère aimante malgré une pénurie de tout, mais aussi la situation politique et désastreuse du pays après l´Indépendance, la pratique démocratique, le multipartisme, les événements du 5 octobre 1988, le terrorisme, la bureaucratie, la corruption, l´économie de bazar, l´obscurantisme...la flambée du prix du pétrole, et ce clin d´oeil au foot avec cette chanson phare des stades. Slimane Benaïssa aborde le Printemps arabe avec intelligence et par ricochet, l´Algérie et le pouvoir qu´il égratine avec tendresse, mais force également. Le spectacle se termine lorsque Slimane Benaïssa retourne face au public une pancarte sur laquelle est écrit Plus jamais ça! Un slogan qui donne beaucoup à réfléchir. Un tableau sur lequel cette phrase est écrite dans les trois langues (arabe, français et tamazight). Slimane Benaïssa y notera un mot à chaque fin de tableau scénique pour nous le faire découvrir à la fin. Il n´omettra pas de remercier le public algérien pour lequel «il existe» en dépit du fait de ses innombrables voyages dans le monde. «Le théâtre est un acte culturel dans le sens où l´on invite les gens à un partage de quelque chose qui est fondamentale, et pour le public, et pour l´artiste. Le théâtre n´est pas un souk», avait déclaré Slimane Benaïssa lors d´un point de presse. Et d´ajouter: «Les gens, à travers le théâtre, ont besoin d´entendre ce qui leur correspond, leur parle et parle de leurs maux, de leurs préoccupations. Notre société a besoin d´exprimer sa douleur. Il est de notre devoir, nous, hommes de théâtre, de dire à la société ce qu´elle ne peut pas dire. Nous ne pourrons jamais avancer dans le déni de soi et des choses». Une mission bien accomplie!