Observateurs et analystes turcs unanimes: «Erdogan représente la stabilité politique et économique» Depuis des semaines, la puissante machine électorale de l'AKP est en branle: des camionnettes avec hauts-parleurs ont sillonné les artères des grandes villes, concurrençant bruyamment celles des autres formations. Le parti conservateur du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, devrait remporter pour la troisième fois consécutive les élections législatives aujourd´hui, porté par un bilan positif de stabilité politique et économique. «Pour les classes moyennes et populaires, M. Erdogan représente la stabilité économique, mais aussi politique, ce que l´opposition ne semble par en mesure de faire», note l´économiste et éditorialiste Ahmet Insel. Toutes les études d´opinion donnent la victoire au Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002, dans une fourchette comprise entre 45% et 50% des voix. Aux législatives de 2007, l´AKP avait obtenu 47% des suffrages. Depuis des semaines, la puissante machine électorale de l´AKP est en branle: des camionnettes avec hauts-parleurs ont sillonné les artères des grandes villes, concurrençant bruyamment celles des autres formations. A Istanbul, l´AKP a installé sur la façade de plusieurs immeubles, près de la place centrale de Taksim, d´immenses portraits de M. Erdogan portant l´inscription: «Objectif 2023». 2023 sera le centième anniversaire de la République, et ce slogan vient habilement voler la vedette au principal parti d´opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), la formation crée par Atatürk, fondateur de la République. Le CHP (social-démocrate) est crédité de 30% des voix, contre 21% en 2007 et le Parti de l´action nationaliste (MHP, nationaliste) de plus de 10%. Une trentaine de candidats se présentant en indépendants, mais soutenus par le principal parti kurde, le Parti pour la paix et la démocratie (BDP), devraient a durant sa campagne, M. Erdogan a décliné abondamment ce symbole du centenaire. Il a notamment promis pour 2023 le percement d´un canal parallèle au Bosphore, un chantier pharaonique destiné à désengorger le détroit qui divise la ville, et qui est dangereusement emprunté par des pétroliers. Il a aussi vanté la réussite économique de la Turquie, qui a enregistré en 2010 un taux de croissance «à la chinoise» de 8,9%. «Les classes moyennes apprécient la poursuite de l´expérience désinflation-croissance», note M. Insel. «Il y a quatre ans, l´inflation était de 15 à 20%» (contre environ 6% aujourd´hui). Par ailleurs, note-t-il, «l´opposition n´est pas crédible». «Elle n´arrive pas à se positionner comme une alternative susceptible de gouverner sans former une coalition. Et les Turcs ont un mauvais souvenir des gouvernements de coalition des années 1990», ajoute-t-il. Enfin, poursuit l´analyste, M. Erdogan a su créer autour de lui «un bloc d´adhésion des classes moyennes et populaires». Dans ce contexte d´une victoire annoncée, le principal suspense du scrutin est de savoir si l´AKP obtiendra assez de sièges pour faire adopter une Constitution plus libérale, pour remplacer celle rédigée après le putsch militaire de 1980. Il s´agit, selon le Premier ministre, d´approfondir la démocratisation de la Turquie, candidate à l´Union européenne, où il voudrait voir instaurer un régime présidentiel. Mais l´opposition craint de voir le pays sombrer dans un autoritarisme «à la Poutine» avec ces changements. Elle dénonce déjà les arrestations de journalistes, divers procès en cours pour complot contre le régime, et des atteintes aux libertés, notamment les restrictions à l´utilisation de l´Internet. Aujourd´hui, un des trois scénarios suivants est attendu à la fermeture des bureaux de vote: si l´AKP dépasse la barre des 367 députés, soit une majorité des deux-tiers, il pourra changer la Constitution sans avoir recours à un référendum. Avec au moins 330 sièges, sans atteindre 367, le parti devra organiser un référendum. Enfin, à moins de 330, il lui faudrait l´aide d´autres partis, ou abandonner son projet.