Les électeurs turcs élisaient, hier, leurs représentants au Parlement lors des élections législatives, et dont le parti de la Justice et du Développement AKP, au pouvoir, est le grand favori, selon les sondages, pour un troisième mandat face à l'opposition qui espère consolider son assise populaire. Plus de 50 millions d'électeurs, sur une population de quelque 73 millions, sont appelés à se prononcer dans plus de 200 000 bureaux de vote, répartis à travers le pays, pour renouveler les membres du Parlement turc qui compte 550 sièges. Quant aux Turcs de l'étranger, ils ont commencé à voter en mai dernier et le vote a pris fin hier, dans la journée. Au pouvoir depuis novembre 2002, l'AKP, de mouvance islamiste et dirigé par le Premier ministre Tayyip Erdogan, vise un troisième mandat consécutif à la tête du pays, ce qui serait, en cas de victoire, un record de longévité jamais égalé par aucune formation politique dans l'histoire de la Turquie moderne. Par ailleurs, même si le parti de Tayyip Erdogan est pressenti le grand gagnant de cette élection, l'objectif d'AKP est de décrocher une très large majorité pour mener à bien l'amendement de la Constitution et son adoption. Lors de la campagne électorale, M. Erdogan a loué les mérites de sa politique menée durant ces dernières années, en insistant sur la bonne santé économique du pays qui a enregistré un taux de croissance «à la chinoise» avec de 8,9% en 2010, faisant de la Turquie la 17e économie mondiale. Le chef de l'AKP n'a pas aussi dissimulé ses aspirations à aller vers un système présidentiel. Face à l'AKP, deux partis tentent de freiner la marche du parti au pouvoir. La principale formation d'opposition en Turquie, le Parti républicain du peuple (CHP), dirigé par Kemal Kili-Daroglu, pourrait remporter 30%, et cherche à réduire l'écart avec le parti d'Erdogan. Pour leur part, les autres formations d'opposition, comme le Parti de l'action nationale (MHP, nationaliste), essaieront essentiellement de dépasser le seuil fatidique de 10% des voix pour espérer entrer à l'Assemblée parlementaire turque. La direction du parti nationaliste MHP, troisième force à l'Assemblée, a été laminée lors de la campagne pour son implication d'après des médias dans un scandale lié à une affaire de mœurs. Les partis kurdes sont également en force pour ce scrutin, avec une trentaine de candidats dont une vingtaine en indépendants. Si l'AKP dépasse la barre des 367 députés, soit une majorité des deux-tiers, il pourra modifier la Constitution sans avoir recours à un référendum. Avec 330 sièges, l'AKP devra organiser un référendum. Enfin, à moins de 330, il lui faudrait l'aide d'autres partis ou abandonner son projet. Selon l'économiste et éditorialiste turc Ahmet Insel, M. Erdogan représente, pour les classes moyennes et populaires notamment dans l'Anatolie profonde, «la stabilité économique, mais aussi politique, ce que l'opposition ne semble par en mesure de faire». Le chef de l'AKP jouit également du soutien des chefs d'entreprises et des travailleurs, appréciant la poursuite de l'expérience de la croissance et désinflation. Selon l'économiste turc, l'inflation avoisine aujourd'hui les 6% après avoir dépassé les 15% il y a quatre ans. A l'étranger, la gouvernance de l'AKP est également appréciée, en particulier en Occident, où on estime qu'Erdogan a joué un rôle important dans la redéfinition de la politique étrangère turque avec le concept de «zéro problèmes» avec les voisins. Le parti au pouvoir en Turquie a entrepris, en outre, plusieurs réformes pour favoriser la démocratie dans le pays et l'aligner aux normes européennes, faisant face à une opposition ferme de l'armée «soucieuse» de garder les fondements de la République séculaire fondée par Mustafa Kemal Ataturk. Le Turquie avait entamé des négociations pour entrer dans l'Union européenne (UE), mais seuls 13 des 35 chapitres thématiques qui jalonnent ces négociations ont été ouverts et un seul a pu être bouclé. Le commissaire européen chargé de l'Elargissement et de la politique de Voisinage, Stefan Füle, a indiqué que les investissements étrangers directs (IDE) de l'UE en Turquie ont atteint 6,7 milliards d'euros en 2010. La Turquie est un partenaire stratégique important pour l'Union européenne, notamment en matière de stabilité et de développement et joue un rôle utile dans l'approvisionnement des sources d'énergie, selon M. Füle.