Porté par un bilan positif de stabilité politique et économique, le parti islamo-conservateur du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan devrait remporter pour la troisième fois consécutive les élections législatives aujourd'hui. “Pour les classes moyennes et populaires, M. Erdogan représente la stabilité économique, mais aussi politique, ce que l'opposition ne semble par en mesure de faire”, note l'économiste et éditorialiste Ahmet Insel. Depuis des semaines, la puissante machine électorale de l'AKP est en branle : des camionnettes avec haut-parleurs ont sillonné les artères des grandes villes, concurrençant bruyamment celles des autres formations. À Istanbul, l'AKP a installé sur la façade de plusieurs immeubles, près de la place centrale de Taksim, d'immenses portraits de M. Erdogan portant l'inscription : “Objectif 2023”. En effet, 2023 sera le centième anniversaire de la République, et ce slogan vient habilement voler la vedette au principal parti d'opposition. Durant sa campagne, Erdogan a décliné abondamment ce symbole du centenaire. À ce propos, il a notamment promis pour 2023 le percement d'un canal parallèle au Bosphore, un chantier pharaonique destiné à désengorger le détroit qui divise la ville, et qui est dangereusement emprunté par des pétroliers. Il a aussi vanté la réussite économique de la Turquie, qui a enregistré en 2010 un taux de croissance “à la chinoise” de 8,9%. “Il y a quatre ans, l'inflation était de 15 à 20%”, contre environ 6% aujourd'hui. Par ailleurs, ajoute-t-il, “l'opposition n'est pas crédible”. “Elle n'arrive pas à se positionner comme une alternative susceptible de gouverner sans former une coalition. Et les Turcs ont un mauvais souvenir des gouvernements de coalition des années 1990”, souligne-t-il. Enfin, poursuit l'analyste, M. Erdogan a su créer autour de lui “un bloc d'adhésion des classes moyennes et populaires”. Dans ce contexte d'une victoire annoncée, le principal suspense du scrutin est de savoir si l'AKP obtiendra assez de sièges pour faire adopter une Constitution plus libérale, pour remplacer celle rédigée après le putsch militaire de 1980. Il s'agit selon le Premier ministre d'approfondir la démocratisation de la Turquie, candidate à l'Union européenne, où il voudrait voir instaurer un régime présidentiel. Mais l'opposition craint de voir le pays sombrer dans un autoritarisme “à la Poutine” avec ces changements. Elle dénonce déjà les arrestations de journalistes, divers procès en cours pour complot contre le régime, et des atteintes aux libertés, notamment les restrictions à l'utilisation de l'internet. Ceci étant, toutes les études d'opinion donnent la victoire au Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir depuis 2002, dans une fourchette comprise entre 45% et 50% des voix. Aux législatives de 2007, l'AKP avait obtenu 47% des suffrages.