La violence ethnique et religieuse ne s'arrête pas au Pakistan. Hier, sur fond de terreur engendrée par le terrible attentat de vendredi dans une mosquée chiite, un prêtre catholique a été abattu par balle dans son église du district d'Okara, au sud d'Islamabad. Cet assassinat fait suite à la sanglante attaque qui a visé, avant-hier, les fidèles d'une mosquée chiite de la ville de Quetta, au sud ouest du Pakistan, et qui a fait, selon les derniers chiffres, pas moins de 48 morts et 65 blessés. Ce bilan macabre a été dressé par une organisation humanitaire locale, dénommée Edhi. D'après les témoignages sur place et les premiers éléments de l'enquête, les assaillants, des inconnus, auraient attaqué les fidèles qui sortaient de la Nasirul Aza Imambargah, mosquée chiite du centre-ville, fréquentée surtout par des musulmans d'ethnie hazaras souvent originaires de l'Afghanistan voisin, à l'issue de la grande prière du vendredi. Ils ont utilisé des grenades, des armes à feu et même des individus qui se sont fait exploser. Tout de suite après l'attentat, des émeutes de grande ampleur ont éclaté entre éléments extrémistes des deux principales communautés religieuses du pays, les sunnites et les chiites, et un couvre-feu y a été décrété pour une durée indéterminée. Il faut rappeler à ce sujet que cette attaque - la deuxième en un mois dans cette même ville contre la communauté chiite des Hazaras - est la plus meurtrière de la érie de violences communautaires et confessionnelles qui ont fait plusieurs milliers de morts entre musulmans sunnites et chiites au Pakistan, depuis le début des années 1990. Rentré au pays après des voyages diplomatiques de trois semaines aux Etats-Unis et en Europe, le président pakistanais, le général Pervez Musharraf a fermement condamné cet attentat et a dénoncé ce qu'il a appelé «les terroristes religieux, extrémistes, ignorants et fous» responsables, selon lui, de ces violences. Il a aussi promis de punir les auteurs de cet attentat, en déclarant lors d'une conférence de presse à son arrivée à l'aéroport d'Islamabad, : «Nous devons collectivement extirper les racines de cette menace.» Car, selon lui, «ces éléments pervers ne font pas seulement du mal au Pakistan mais ternissent également le nom de l'Islam qui est une religion de paix, d'harmonie et de tolérance».Il est vrai que cette tuerie interreligieuse a porté un coup sérieux aux efforts diplomatiques de Musharraf visant à redorer l'image de son pays. Lors de sa récente tournée en Amérique et en Europe, ce dernier n'a pas manqué de vanter les succès de sa politique antiterroriste et s'est efforcé de convaincre les investisseurs étrangers de revenir dans son pays car, d'après lui, la sécurité y est revenue, après une sanglante série d'attentats anti-occidentaux, l'année dernière. Depuis l'alignement sur la lutte contre le terrorisme, lancée par Washington après les attentats du 11 septembre 2001, les autorités pakistanaises ont arrêté près d'un demi-millier de membres présumés de l'ex-régime afghan des talibans et du réseau Al-Qaîda, tout en réprimant sérieusement les groupuscules islamistes locaux, dont pas moins de cinq ont été interdits en 2002. D'ailleurs, ces mêmes autorités pakistanaises ont annoncé hier avoir arrêté 6 individus présumés appartenir au réseau d'Al-Qaîda d'Oussama Ben Laden. Mais, pour nombre d'analystes des affaires de ce pays, l'attentat de Quetta démontre que «la menace terroriste est loin d'être éteinte» et se nourrit d'un climat d'hostilité entretenu par la campagne d'opposition parlementaire permanente menée par la coalition islamiste, Muttahida Majlis-el-Amal (MMA). Il est vrai que ce pays, doté de l'arme nucléaire, a toujours été très fragile sur les plans ethnique, institutionnel et politique depuis sa création, il y a plus d'un demi-siècle.