Vendredi dernier, en ouverture du festival «Dimajazz» de Constantine, la ministre de la Culture, Mme Toumi, a estimé que «Cirta capitale du royaume numide de Massinissa, méritait bien un festival de cette envergure». Lui faisant écho, le président de la LNF, M.Mecherara, affirmait le même jour, à la suite de l´accession du CSC en Ligue 1 professionnelle, que «s´il y avait un hôtel cinq étoiles à Constantine, je vous promets que l´Equipe nationale élirait domicile dans la ville des Ponts». Insolite coïncidence en vérité qui fait que deux responsables algériens - dans deux domaines aussi différents que la culture et le sport - aient eu à déplorer que Constantine ne soit pas, autant que ça, à la place qui devait être la sienne. Sans doute, ces deux responsables n´ont-ils pas mesuré la portée de leurs déclarations en mettant le doigt sur une anomalie, et faisant le (triste) constat qu´une ville aussi chargée d´Histoire que Cirta - près de trois fois millénaire - ne soit pas autrement respectée. Capitale amazighe, capitale royale, grande métropole au niveau régional et africain, Constantine n´est pourtant pas à la place qui lui sied. C´est cela le hic en fait! Constantine dérange, elle a toujours été une ville rebelle ne souffrant aucune tutelle. Aux Romains comme aux Français - comme aux Vandales, aux Carthaginois et tous ceux qui ont tenté de la plier à leur joug - Cirta-Constantine opposa une farouche résistance. Indomptable elle a été, indomptable elle est. Cest ce que les dirigeants de l´Algérie indépendante ont compris qui se sont fait un devoir de lui couper les griffes en la ramenant au niveau de simple commune, une parmi les centaines de villes du pays. Cela en réduisant son rôle de pôle politique, économique, social, culturel qui, de tout temps, a été le sien. Il aura suffi pour cela de délocaliser les directions régionales et de les répartir entre plusieurs villes de l´Est. Voilà une vérité qui est tue: Constantine n´est plus en réalité la capitale de l´Est, même si elle en reste le symbole. Cirta n´est plus le pendant à l´Est de ce qu´est Oran à l´ouest du pays. Mais en fait, Constantine a-t-elle réellement besoin du label de capitale? Un poète de la Ville, l´un de ses enfants, Malek Haddad, l´affirme: «On ne présente pas Constantine. Elle se présente et l´on salue!», qui ajoute: «Elle est une présence, elle est un rêve qui continue. A ses genoux, les mots sont pauvres courtisans. Le doigt de Dieu s´est posé ici et la main de l´homme ne peut que s´élever pour cette ovation qui, à son paroxysme, avoue déjà son impuissance.» Oui, impuissance des mots à traduire le réel de cette ville séculaire, impuissance des hommes à comprendre sa symbolique, quoique nombreux ont été, néanmoins, ses fils qui, à l´instar de Kateb Yacine, l´ont chanté sur tous les tons et à tous les temps. Au long des siècles Constantine a produit et donné à l´Algérie des écrivains, des philosophes (mais qui se souvient du premier rhéteur latin algérien, l´Amazigh Fronton de Cirta, entre 90/100 après J.-C.?), des hommes politiques et de religion, outre la pléiade de révolutionnaires qui ont été à l´origine de l´insurrection de 1954. Constantine, c´est tout cela et un peu plus. Ce qui est étonnant est que les autorités publiques du pays n´aient pas fait la demande d´inscription de Cirta au patrimoine universel de l´Unesco. Il est vrai que Constantine n´a pas de salles de cinéma, son théâtre, vétuste, date de 1883, et surtout elle n´a pas d´hôtels 5 étoiles. Voilà le drame d´une ville, une des plus vieilles du monde, inscrite aux dimensions de la civilisation humaine, qui a tout donné au pays, ravalée au rang de grosse bourgade, incapable d´accueillir ses hôtes, comme d´organiser des rencontres culturelles, scientifiques ou sportives, dignes de sa renommée, car elle manque de ces infrastructures qui font les grandes métropoles et permettent les grands rendez-vous. Mais la faute à qui?