Mohamed Seghir Babès, président du Cnes Une commission ad hoc a été chargée de mener des concertations sur le développement local à travers les différentes wilayas Le Conseil économique et social (Cnes) investit le terrain du développement local après les états généraux de la société civile. Il veut «enquêter» sur ce thème ainsi que sur les relations entre l'administration et les citoyens. Le président du Cnes, Mohamed Seghir Babès, a installé, jeudi dernier, une commission ad hoc chargée de mener des concertations sur le développement local à travers les différentes wilayas. Cette commission est composée des représentants de plusieurs secteurs, des experts, des représentants de la société civile, des universitaires spécialisés dans le développement local, des représentants des autorités locales, des élus et des représentants de la jeunesse. Les membres de cette commission seront dépêchés, selon M. Babès, durant les prochaines semaines, aux différentes wilayas pour être à l'écoute des préoccupations des citoyens et collecter les informations nécessaires pour le développement local. Le Cnes pilotera ces concertations en vue de l'organisation des assises régionales autour du même thème, prévues en octobre avant de déboucher sur des assises nationales sur le développement local, prévues en décembre prochain.Selon M. Babès, des concertations sont également programmées au niveau des communes pour aboutir à des recommandations globales susceptibles de contribuer à la promotion de la gouvernance des collectivités locales et l'amélioration de la relation entre l'administration et les citoyens. Cela dit, les membres de la Commission risquent d'être sidérés par «les découvertes» des causes ayant induit des retards en matière de développement local. Et non des moindres. Le constat est là. Malgré ses capacités financières et ses nombreux atouts, l'Algérie souffre d'une mauvaise gestion chronique au niveau local. Une tare parmi tant d'autres qui, au fil des ans, s'est traduite par un mécontentement généralisé ayant abouti à l'émeute comme seul moyen d'expression. Selon le directeur général de la Sûreté nationale, le général Hamel, les services de sécurité sont intervenus 9000 fois pour rétablir l'ordre en l'espace d'une seule année. Une situation des plus catastrophiques qui renseigne sur le marasme au niveau local. «Mais comment voulez-vous parler de développement local quand des pratiques maffieuses rythment le quotidien? Comment voulez-vous en parler quand avec des sommes colossales, on construit des routes qui se dégradent un an plus tard, des réseaux d'alimentation en eau potable inadéquats, etc.? Comment voulez-vous parler des relations entre administration et citoyens quand ces derniers sont contraints de recourir à la protestation pour arracher le moindre droit?» Ces interrogations sont posées spontanément par un membre d'un comité de village à qui il est demandé un avis sur les raisons du sous-développement local en Algérie. Il met le doigt sur la plaie en dénonçant les détournements liés à la réalisation des projets, le laxisme, le favoritisme, le népotisme des autorités locales. Pourtant, ce n'est pas l'argent qui manque. Des sommes astronomiques sont octroyées aux wilayas chaque année, mais les résultats laissent à désirer. D'où la question de savoir où va cet argent? Un bout de réponse est apporté au niveau de la wilaya de Tizi Ouzou. Selon le président de l'APW, Mahfoud Belabbas, un tiers seulement du budget de l'exercice 2010 a été dépensé. Quant aux relations entre l'administration et les citoyens, la réponse peut être tirée des 9000 interventions des services de l'ordre en une année. Tellement dégradées que les citoyens recourent à la protestation pour le moindre fait. Quel remède peut-on prodiguer à cette situation explosive? Prise sous cet angle, l'initiative du Cnes ne sera payante que dans la mesure où des réponses concrètes seront apportées à toutes ces questions dans la perspective de parvenir à «nettoyer» tous les secteurs de leurs parasites et permettre d'impulser un véritable développement, loin de toute corruption de quelque ordre qu'elle soit. Il est donc attendu de ces concertations des éléments de réponse sans complaisance sur les raisons de la dégradation de ces relations ainsi que sur la crise de confiance qui s'est installée entre administration et citoyens. Des éléments sont aussi attendus pour savoir à quoi est dû ce sous-développement local, en dépit des sommes faramineuses allouées par l'Etat à toutes les wilayas du pays.