La vente concomitante est une pratique courante malgré son interdiction. «Aujourd'hui et vu la situation déplorable dans laquelle s'est retrouvé le marché du médicament, il serait très difficile de revenir à une situation normale où il y aurait une stabilité de l'offre et de la demande». La sentence vient de Messaoud Belambri, président du Syndicat national algérien des pharmaciens d'officine (Snapo). Notre interlocuteur nous a signalé que le marché du médicament, considéré comme le plus juteux, subit des pratiques mafieuses de la part de certains distributeurs agréés passant de la distribution «à la pipette» jusqu'au chantage. Chose qui précipite une pénurie sans précédent et déstabilise le marché. «Quand on se rend chez certains distributeurs, on est face à deux types de comportements: ou l'on nous donne les médicaments dont on a besoin mais au compte-gouttes ou ils proposent carrément des packs», nous a informé Belambri. Nous avons voulu en savoir un peu plus sur ces fameux «packs» proposés. «Cette catégorie de distributeurs propose aux pharmaciens des lots d'une vingtaine de médicaments à faible demande», avons-nous appris du président du Snapo. Explication: «Une pratique exercée par certains distributeurs afin de liquider leurs stocks contre de petites quantités d'un autre médicament préalablement commandé par le pharmacien», a-t-il ajouté. Les produits proposés par les distributeurs sont cédés en quantités variées à des tarifs différents. Le tarif de référence n'étant même pas respecté. Il a été question parfois de packs de médicaments «rossignol», des médicaments rarement prescrits et très chers, contre des médicaments fortement demandés. «La vente de ce médicament 'rossignol'' se fait à la commande car, dans le cas contraire, il ne sera pas vendu et finira par atteindre sa date de péremption dans nos officines», justifie Belambri. Ces distributeurs auraient même intégré des médicaments de proche péremption dans ces packs proposés au pharmacien. Des pratiques dénoncées à maintes reprises par les pharmaciens, sous l'égide du Snapo ou encore le Conseil de l'Ordre des pharmaciens. Ce dernier a même appelé ses membres à un conseil extraordinaire prévu en septembre prochain. «D'autres spéculateurs du marché du médicament, plus précisément les plus puissants, vont jusqu'à s'entraider en faisant des commandes groupées auprès de certains grands laboratoires et ils sont les premiers servis», nous a appris Belambri. Au moment où les lois en vigueur interdisent toute vente concomitante sur n'importe quel produit, le médicament continue d'être l'objet de ces actions frauduleuses au grand dam du malade. Cependant, le président du Snapo appelle les pouvoirs publics représentés par le ministère de la Santé à ouvrir une enquête pour déterminer qui est derrière cette rétention de stocks. «Il est très facile d'identifier qui est derrière cette pénurie des médicaments malgré la traçabilité de chaque produit et il faut agir en urgence pour que le marché du médicament puisse obéir aux règles de déontologie avec un minimum de respect pour les vies humaines qui sont en danger», demande le représentant des pharmaciens d'officine. En attendant l'installation d'une commission d'enquête et la mise en place d'un dispositif de régulation du marché du médicament qui risque de durer des mois, voire des années pour se stabiliser, c'est le malade, dernier maillon de la chaîne de distribution, qui paie la facture.